Archives pour la catégorie Réflexions sur la bande dessinée numérique

Une table ronde sur la BD numérique à Villeurbanne

Voici enfin arrivé le compte-rendu de notre table ronde du 12 mai dernier sur la bande dessinée numérique, organisée à l’école nationale des sciences de l’information et des bibliothèques. Pour ceux qui n’auraient pas pu y assister, nous vous rappelons que la table ronde a été captée en format audio. Vous pouvez l’écouter depuis le site de l’enssib, en deux parties.
Enfin, pour ceux qui souhaitent approfondir les questions de bande dessinée numérique, nous mettons à votre disposition une bibliographie sur le sujet, datée de mai dernier.

Nous sommes heureux d’avoir pu porter la discussion sur l’avenir de la bande dessinée numérique dans le cadre institutionnel de l’Enssib et ainsi mettre en lumière les rencontres, déjà existantes ou à venir, entre ce nouveau média et le monde des bibliothèques.
C’est dans le cadre d’une journée d’étude qu’il nous a été possible d’inviter et de réunir, le 12 mai dernier, Julien Falgas, responsable du site Webcomics.fr, Arnaud Bauer, éditeur de Manolosanctis.fr et Catherine Ferreyrolle de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.
La discussion a été introduite par un rappel des développements de ce nouveau média dans la
dernière décennie et une série d’exemples familiers aux lecteurs de ce blog (Zot, Prise de tête, etc.).
On y a également rappelé la distinction entre la BD numérique native (diffusée par les deux
premiers intervenants) et la BD numérique homothétique, c’est-à-dire issue de la numérisation
d’oeuvres déjà éditées sur papier aux fins de diffusion en ligne, ce que porte notamment le groupe Iznéo.

Des hébergeurs en charge d’une communauté
Julien Falgas a présenté Webcomics.fr, structure associative apparue début 2007, qui se présente comme une plate-forme d’hébergement permettant aux auteurs de publier au rythme qu’ils souhaitent sans nécessité de compétences techniques et d’échanger des commentaires avec leurs lecteurs. Animé par quatre passionnés bénévoles dont le développeur Julien Portalier et l’auteur Pierre Materne, Webcomics.fr héberge 1200 bandes dessinées produites par 55 auteurs.
De son côté, Arnaud Bauer est intervenu pour la structure Manolosanctis.fr, qui a été créée fin 2008 sur un principe proche mais avec le statut d’une entreprise qui publie par ailleurs des éditions papier.
Le site de Manolosanctis est dédié au web social par ses fonctions de recommandation, de partage sur des réseaux d’amis, d’échanges autour du contenu et de statistiques pour suivre le lectorat.
L’activité de ces sites s’apparentent beaucoup à celle de « community manager »du fait de
l’importance de l’animation et des possibilités d’échange de commentaires entre auteurs et lecteurs. Cela implique d’une part de mobiliser les contributeurs, d’autre part d’intervenir sur la hiérarchisation des contenus, à la manière de la modération intervenant sur des espaces collaboratifs comme Wikipedia. Les intervenants reconnaissent que cette animation ne doit pas cloisonner les communautés de lecteurs et de contributeurs des différents sites.
Il se trouve que les auteurs de commentaires les plus prolifiques se recrutent parmi les auteurs, ce qui accentue la dimension communautaire de la discussion en rendant possibles des observations réciproques.
Chez les deux hébergeurs, et contrairement à ce que pourrait laisser croire la fausse image
d’éditeurs en ligne qu’on leur attribue parfois, les auteurs ne sont pas rémunérés pour leurs
publications en ligne – ils le sont pour leurs publications papier dans le cas de Manaolosanctis. Tous les auteurs peuvent donc y être considérés comme amateurs, avec parfois une production de grande qualité mais où le niveau illustrateur débutant domine. Le web intervient comme un vecteur d’égalisation car il permet aux auteurs de toucher un large public sans dépendre d’abord d’un éditeur.
L’activité éditoriale constitue la deuxième couche de l’activité de Manolosanctis.fr: elle consiste à sélectionner les meilleures oeuvres pour les publier sur support papier. Une vingtaine d’albums ont ainsi été publiés, dont le récent Skins party.

A la recherche d’un modèle économique

Le marché de la bande dessinée numérique a surtout commencé à se développer du côté de la BD
homothétique avec l’apparition d’Iznéo, qui propose un catalogue de titres venant de la BD papier en version numérisée.
Très médiatisé, Iznéo a pour intérêt de renforcer la position des éditeurs face aux acteurs de
contenants, des fournisseurs d’accès comme Orange, par exemple. Le modèle d’acquisition proposé n’est pas celui de l’achat d’un oeuvre mais de l’accès à une version numérique ou à une application informatique de support, à la manière d’un jeu vidéo en ligne. Les copies acquises sur Iznéo ne peuvent être reproduites que 5 fois. Arnaud Bauer évoque l’intérêt du modèle du streaming: l’accès aux oeuvres en ligne peut être libre, mais l’utilisateur pourrait devoir en payer le téléchargement pour pouvoir disposer d’une copie.
La question de la diffusion à large échelle pose également celle d’un format intéropérable
comparable à ce qu’a été le mp3 dans le domaine de la musique. Ce sont pour le moment les
formats .zip et .pdf qui ont la faveur des lecteurs, mais les récentes évolutions du format epub ouvrent des perspectives quant à la diffusion de bande dessinée.
Le public est prêt à souscrire à des abonnements pour des flux de récits à consommer, mais il
privilégiera les séries et le cinéma. La bande dessinée numérique doit quant à elle tirer partie du caractère original et personnel de ses productions à petits moyens.
C’est ce qu’a commencé à faire Les Autres Gens avec une formule d’abonnement pour 2,50 euros par mois, qui a trouvé son public et permet aux auteurs de prendre l’initiative de publier sans recquérir
l’aval d’un éditeur.
Si Manolosanctis ne peut pour le moment valoriser qu’un petit catalogue d’albums papier, une
évolution de sa plate-forme est prévue pour janvier 2012 avec un catalogue d’oeuvres en ligne
« labellisé auteur » (là où Iznéo propose un catalogue « labellisé éditeur »), de manière à permettre à chaque auteur de trouver des acheteurs pour ses oeuvres. Pour Arnaud Bauer, la BD numérique a du sens et son aboutissement n’est pas forcément le papier.
Pour les éditeurs de BD numérique native, une opportunité serait de trouver des formes de récits qui sortent du traditionnel « gaufrier » imposé par le format papier. Or pour le moment, de nombreuses oeuvres publiées n’ont pas d’abord été conçue pour la lecture à l’écran. Mais l’utilisation d’une application flash ou l’apparition du Turbomédia pour l’affichage permet d’envisager le franchissement d’un palier dans ce domaine.

Quel support de lecture pour la BD numérique?
Interpellés sur l’absence de liseuse dédiée à la BD numérique, les intervenants ont rappelé que les coûts de développement d’un support spécifique (environ 10 millions d’euros) sont évidemment hors de leur portée. De plus, Arnaud Bauer a sérieusement mis en doute l’avenir des readers dédiés. Pour les éditeurs numériques, c’est le contenu qui prime dans la mesure où le support de lecture est de toute façon pris en charge par un autre acteur. Enfin il n’y a pas lieu de singer l’expérience de lecture sur album papier, album que l’on achètera si le premier jet numérique nous a plu.
La multiplication des supports de lecture (tablettes, liseuses, téléphones…) entraîne une bataille des normes entre producteurs pour parvenir à une position dominante.
Les intervenants ont été interrogés sur les caractéristiques de leur offre, privilégiant la lecture en html sur ordinateur: ne se base-t-elle pas sur le postulat d’une pagination, d’un format de récit essentiellement européen, voire franco-belge ? Arnaud Bauer explique avoir fait le choix de se cantonner au développement d’une offre web afin de ne pas multiplier les applications dédiées. Pour Julien Falgas, si cette offre évite le caractère réputé décevant de la lecture sur smartphone, elle a pour inconvénient de ne pas pouvoir être emportée offline.

Et les bibliothèques dans tout ça?

L’intervention sur les perspectives de la BD numérique en bibliothèque a été confiée à Catherine Ferreyrolle, qui a commencé par rappeler les missions de la CIBDI et notamment son expérience ancienne de numérisation de fonds de bande dessinée ancienne (le Rire, le Pierrot, les fonds de Caran d’Ache et Saint-Ogan).
Catherine Ferreyrolle reconnaît que les bibliothèques, submergées une offre de BD papier atteignant 4800 titres par an, ont peu avancé dans le domaine de la bande dessinée numérique. Néanmoins,plusieurs pistes sont déjà ouvertes dans le nécessaire rôle de prescription du bibliothécaire. il s’agirait, également à la manière d’un community manager, d’établir des listes, des signets à destination des lecteurs: « j’ai sélectionné ceci pour vous mais vous pouvez bien évidemment aller plus loin ».
Les bibliothèques sont concernées non seulement en tant que diffuseurs, mais aussi en tant
qu’acheteurs de contenus. En effet, leur rôle prescripteur ne saurait se limiter à une seule plateforme ou à l’offre gratuite. Se pose donc, outre la question des standards et des supports, celles de l’offre payante en général et en direction des bibliothèques en particulier.
Or pour Catherine Ferreyrolle les bibliothèques doivent à la fois promouvoir la bande dessinée
numérique et respecter les droits des auteurs. La question du droit de prêt n’ayant pas été résolue, elle constitue un frein au développement de l’offre de bande dessinée numérique. Un représentant d’Iznéo présent dans le public a abondé dans ce sens: le prêt existe déjà mais le droit de prêt existant sur papier n’a pas encore été transposé au numérique. D’autre par la circulation des fichiers prêtés apparaît comme une affaire délicate, mais la situation pourrait s’éclaircir d’ici quelques mois. Pour le moment, l’offre d’Iznéo en direction des bibliothèques consiste en un accès local et sur abonnement au catalogue, sans téléchargement, sur le modèle du streaming.

Les enjeux patrimoniaux, un défi à relever.
Côté bibliothèques, il apparaît nécessaire de développer des outils de consultation et de valorisation muséographique. Ainsi, la CIBDI, habituée à mettre en valeur de la planche et de l’imprimé, a présenté dernièrement des oeuvres d’auteurs asiatiques qui lui ont été adressées sous forme de fichiers numériques. La question se posait d’une présentation directe sur écran, en adéquation avec le support d’origine, , mais le choix a finalement été fait de les imprimer.
Pour Catherine Ferreyrolle, c’est du point de vue de la conservation de ce patrimoine que de
nombreux problèmes se posent: la BD numérique n’étant pas conservée comme telle en
bibliothèque, c’est sur les hébergeurs en ligne que repose pour le moment la pérennité de ces
oeuvres. La disparition récente d’un site consacré à la BD ancienne fait courir le risque de perdre une importante base de données sur les petits formats. De même, Julien Falgas signale que des productions BD diffusées sur le site apreslecole.com ne sont plus disponible en ligne aujourd’hui.
Le dépôt légal du web pourrait certes contribuer à sauvegarder ce patrimoine, mais l’absence
d’indexation des contenus régulièrement aspirés d’une part et l’inaccessibilité de certains contenus sans mot de passe d’autre part en limitent sérieusement l’utilité.
Nous espérons avoir fait de cette table ronde un pas de plus vers un investissement accru du
domaine de la BD numérique par les bibliothèques, que ce soit en matière de diffusion, de
valorisation, de conservation ou même d’aide à la création. Quoi qu’il en soit, nous en remercions les participants, des intervenants motivés et un public aussi attentif que réactif.

Antoine Brand (pour la restitution)
Julien Baudry
Antoine Torrens

Le livre, la culture, le gratuit : compte-rendu du festival LyonBD

Ce vendredi 17 juin, j’intervenais d’un débat organisé dans le cadre de la journée professionnelle qui précède le festival de LyonBD. Le thème en était : « le livre la culture, le gratuit », et y participaient Sébastien Naeco, du blog Le comptoir de la BD et Emmanuel de Rengevré, du syndicat national des auteurs-compositeurs (SNAC, syndicat qui possède une section « bande dessinée »). Olivier Jouvray, scénariste de la série Lincoln et professeur de bande dessinée à l’école Emile Cohl, animait le tout. Je profite de cet article pour le remercier de m’avoir laissé participer à cette table ronde qui ouvrait la journée professionnelle.
Une heure, c’était court pour disserter sur les rapports entre la culture et la gratuité, thème judicieusement choisi pour parler des mutations récentes de la bande dessinée. Nous avons donc pu ébaucher quelques interrogations sans forcément y répondre dans le détail. D’où mon idée de développer dans cet article les quelques réponses que j’ai pu ébaucher face aux questions d’Olivier Jouvray. Ainsi, le public de la journée professionnelle pourra avoir en tête ce qui s’est dit, et ceux qui n’étaient pas présents en profiteront également. Et bien sûr, pour les Lyonnais, aller faire un petit tour du côté du Palais du commerce, près de la place des Cordeliers, aujourd’hui et demain.
Je le précise d’emblée : pour une fois, cet article ne parlera qu’incidemment de bande dessinée numérique et plus de son contexte socio-économique (il n’est pas impossible que ce type d’articles, fruit de mes réflexions du moment, ne se multiplie dans les semaines à venir… Mais rassurez-vous, je tâcherais de ne pas oublier les contenus et les oeuvres qui vous sont chères !).

Bande dessinée numérique, bibliothèques et économie de l’accès

Le débat a tourné autour de la question de l’accès à la culture, et en particulier de l’accès « gratuit » à la culture, ou du moins de l’accès libre. Olivier Jouvray souhaitait esquisser une comparaison entre l’accès à la culture par les bibliothèques et l’accès à la culture par Internet (pour ceux de nos lecteurs qui l’ignoreraient, les deux fondateurs de Phylacterium travaillent dans le milieu des bibliothèques). Plusieurs points communs invitent en effet à cette comparaison entre Internet et les bibliothèques. Dans les deux cas, le public se trouve dans une économie de l’accès, c’est-à-dire qu’il ne vient pas (et éventuellement ne paye pas) pour posséder une oeuvre, mais pour y avoir accès. Dans le cas des bibliothèques, il peut soit lire un livre sur place, soit l’emprunter, mais dans tous les cas, ne rentre pas en possession du livre. Dans le cas d’Internet, la majorité des oeuvres (pour rester dans le domaine du livre) que l’on trouve sur Internet ne peuvent être consultées que si l’on reste connecté. Et les offres gratuites (webcomics, blogs bd…) ou payantes (Izneo, Les autres gens…) de bande dessinée numérique s’inscrivent dans cette même logique d’accès. Les bibliothèques et Internet ont pour caractéristique commune de sortir les oeuvres d’un circuit marchand qui, jusqu’au XXIe siècle, était leur environnement normal.
Toutefois, j’ai essayé de pointer les différences qui font que les accès à la culture par les bibliothèques ou par Internet ne sont pas entièrement superposables. La première différence, la plus visible, est une différence d’ampleur : une bibliothèque, même s’il y a des évolutions en cours, reste pour l’essentiel un lieu physique. Il faut s’y déplacer, et faire son choix avec les collections disponibles sur place. Aucune bibliothèque (à l’exception des bibliothèques nationales, et encore), ne contient la totalité des oeuvres imprimées ou audiovisuels jamais réalisées. Sur Internet, en revanche, la « collection », pour reprendre un terme des bibliothèques, est foisonnante. Autre différence importante : Internet fonctionne selon une logique de co-construction de contenus par le public lui-même qui n’est encore qu’extrêmement marginal dans les bibliothèques.
Mais la différence la plus pertinente pour le thème choisi par Olivier Jouvray, c’est que l’économie de l’accès en bibliothèques est en partie règlementé et balisé. Il est balisé du point de vue du public : les bibliothèques, en France, sont financées à plus de 80% par l’argent public, celui des impôts, qui se base sur un principe vieux comme la République de répartition sociale entre les citoyens ; les plus riches payent pour permettre à tout le monde d’avoir accès à un certain nombre de services publics. Indirectement, la communauté qui utilise une bibliothèque a déjà payée ce service d’accès aux oeuvres. On aurait du mal à trouver un angle de comparaison avec Internet. L’accès aux oeuvres en bibliothèque est aussi balisé du point de vue du créateur : en 2003, une loi sur le « droit de prêt » a été votée après une mobilisation des auteurs et éditeurs pour clarifier la situation et faire payer aux bibliothèques l’autorisation de prêter leurs oeuvres à un public (loi qui venait mettre en conformité la France avec une directive européenne). Dans les faits, les organismes qui fournissent les livres aux bibliothèques ainsi que l’Etat reversent à une société dédiée, la SOFIA, une somme qui varie en fonction du nombre de livres achetés et du nombre d’inscrits en bibliothèque. Cette somme est ensuite reversée aux auteurs et éditeurs. Le vote de la loi sur le droit de prêt a engendré une querelle assez intense entre bibliothécaires et auteurs/éditeurs, je n’y reviens pas ici, mais ce qui m’intéresse, c’est que, pour schématiser, deux positions se sont cristallisées par rapport aux oeuvres (je schématise beaucoup, les positions étaient plus nuancées que cela). D’un côté, auteurs et éditeurs prétendaient que le prêt de leurs oeuvres par les bibliothèques constituait une forme de concurrence déloyale, et bafouait le droit d’auteur. De l’autre côté, les bibliothécaires objectaient de leur mission de diffusion d’un patrimoine public en-dehors de l’économie marchande. On retrouve là deux arguments opposés autour du droit d’auteur, qui est (idéalement !) la recherche d’un équilibre entre d’un côté le droit de l’auteur à vivre de son art et de l’autre le droit de la communauté de citoyens à avoir un libre accès à la culture vue comme un bien commun. Sur les termes de ce débat et la façon d’en sortir, je vous conseille de lire cet article d’Yves Alix, « La banalisation des bibliothèques » dans le Bulletin des bibliothèques de France de 2002, qui revient sur la question de la concurrence entre les bibliothèques et le secteur marchand au moment des débats sur le droit de prêt (le titre est austère, mais la lecture intéressante).

Si je reviens sur le débat sur le droit de prêt en bibliothèque, c’est qu’il a cristallisé des positions que l’on retrouve à présent à propos de l’accès aux contenus en ligne, preuve de l’intérêt de la comparaison amenée par Olivier Jouvray. Les tenants d’une culture du libre-accès mettent en avant la libre circulation des oeuvres artistiques entre les individus au nom du « bien commun », allant parfois même jusqu’à remettre en cause le droit d’auteur qui serait un frein majeur à cette libre circulation. Les créateurs, naturellement, répondent qu’ils souhaitent vivre de leur art et que le droit d’auteur doit aussi pouvoir s’appliquer dans le cas de la diffusion en ligne pour leur permettre d’être rémunéré en fonction de la réalité de leur diffusion. Le terme de « concurrence » est là aussi lâché. Dans le cas des bibliothèques, plusieurs rapports ont montré qu’emprunt et achat ne s’annulaient pas : soit les emprunteurs des bibliothèques sont aussi de gros consommateurs de biens culturels, soit ils n’auraient de toute façon pas acheté les oeuvres qu’ils empruntent. Sur Internet, l’affirmation qui voudrait, par exemple, que le piratage d’oeuvres soit un manque à gagner pour les éditeurs et les auteurs n’a pas pu être concrètement vérifiée. Pour ma part, je pense qu’il y a en effet un manque à gagner, mais qu’il est minoritaire et contrebalancé par un gain en notoriété important. Certes, la notoriété ne remplit pas à elle seule l’assiette.
Pour finir sur cette question, je trouve utile de rappeler que les positions ne sont pas aussi tranchées et schématiques, entre d’un côté le bloc des auteurs/éditeurs et de l’autre les internautes. Les lois récentes sur l’écomie numérique (loi DADVSI, loi Hadopi, loi sur le prix unique du livre numérique) ont été guidées par la terreur que les acteurs de l’économie « traditionnelle » (non-numérique) peuvent avoir face à Internet et au numérique. Elles ont d’ailleurs toutes trois un impact à la fois sur Internet (en effet visé) et sur les bibliothèques. Il ne faut pas se leurrer : l’affrontement entre les deux positions antagonistes (droit de l’auteur et liberté d’accès) en arrive à un point extrême. Et c’est toute la logique d’une économie de l’accès libre aux oeuvres par la communauté (accès jusque là restreint et toléré dans le cadre des bibliothèques) qui est remis en cause par les crispations de postures et de modes de pensée mercantiles. J’émettrai l’hypothèse, peut-être trop simpliste et globalisante, que c’est aussi une caractéristique de notre société actuelle que de considérer l’argent non plus comme un moyen, mais comme un fin, et que l’exemple de l’économie de l’accès révèle ce problème. Tandis que de leur côté, les artistes qui travaillent de fait sur Internet ont déjà commencé à mettre au point des modèles économiques et législatifs alternatifs. Je parlais de l’économie du don récemment, mais un autre exemple est celui des licences libres, où un auteur ouvre consciemment les droits sur son oeuvre (dont parfois même les droits d’exploitation commerciale) pour en permettre avant tout la diffusion. Surtout, ces artistes uniquement en ligne (on peut penser aussi, dans le domaine de la littérature, à François Bon et sa maison d’édition numérique publie.net lien) sont réellement dans des démarches de création active et ont su dépasser les hésitations économiques.

L’accès libre comme moyen de faire vivre la culture

Le débat qui s’est tenu au Palais du commerce de Lyon en est resté à la surface économique et législative des choses, là où, je le suppute, Olivier Jouvray souhaitait l’amener sur un terrain plus philosophique. L’idée était de se demander si, dans le fond, limiter l’accès aux oeuvres ne pouvaient pas être un risque pour le développement de la culture. Je vais essayer d’apporter maintenant quelques réponses que je n’ai pas pu envisager lors du débat.
De fait, il n’existe évidemment aucune étude qui prouve à coup sûr que l’accès aux livres permis par les bibliothèques est un moteur de la création elle-même. Mais, empiriquement, deux exemples peuvent le laisser croire.
Si on prend le cas précis du microcosme des bibliothèques universitaires, il est manifeste que la recherche ne peut se renouveler que si les jeunes étudiants, futurs chercheurs, ont accès à des ouvrages qu’ils ne pourraient pas se payer au vu de leurs maigres revenus. Ces futurs chercheurs publieront ensuite des travaux qui seront librement diffusés dans les bibliothèques, etc. Un cycle vertueux existe dans ce secteur. Certes, la comparaison avec notre sujet n’est pas si évidente. Les chercheurs ne vivent pas directement des droits d’auteur perçus sur leur travaux, ils vivent de l’application de ces travaux, et ils ont donc moins d’intérêt à contrôler la diffusion de leurs oeuvres (sauf dans des cas marginaux de secrets scientifiques).
Autre exemple : l’ouverture au public des musées d’art à partir du début du XIXe a été un formidable moyen de mettre en rapport de futurs artistes avec des oeuvres et, à terme, de permettre la transmission d’un savoir artistique ancien plus largement qu’au sein de corporations, comme cela pouvait se faire avant. De nombreux peintres ont appris leur métier en copiant des tableaux exposés dans les musées (Ingres, Manet, Picasso…). On peut supputer que le mouvement d’ouverture des bibliothèques au grand public (plus tardive, elle date du début du XXe siècle en France), a pu avoir un effet identique sur de futurs auteurs mis au contact d’oeuvres.

Mais il demeure qu’il ne s’agit là que d’exemples bien empiriques, et trop peu étayés (ou du moins je ne connais pas les preuves qui pourraient les étayer). Dans le milieu professionnel des bibliothèques s’est développé, suite aux différentes attaques qu’elles subissent depuis quelques années (réduction de budget, fermeture, blocage des consultation des livres numériques par les éditeurs), un principe de défense qui vise à démontrer leur utilité non pas en terme économique, mais dans une visée sociale : la bibliothèque comme lieu d’accès à la culture, comme lieu d’éducation, comme moyen de transmission aux générations futures d’un patrimoine culture national, etc. Le profit social de la bibliothèque serait aussi important et indispensable à la communauté que le profit financier d’une entreprise ; il aurait une « valeur » mesurable par ses effets sur la population. C’est ce que les bibliothécaires américains, à la pointe de ce combat, appellent l’advocacy des bibliothèques.
Un des arguments des anti-Hadopi lors du débat d’il y a deux ans pourrait être rappelé ici : tout auteur, avant d’être un auteur, a été un lecteur. Brider la lecture reviendrait à restreindre le potentiel créatif de la société. Dans L’édition interdite, Thierry Crouzet définit son parcours d’auteur et d’éditeur numérique comme celui d’un activiste politique face aux « structures de domination » que sont les éditeurs traditionnels : « La capacité d’autopublication n’implique pas la fin de l’édition. Elle introduit un rééquilibrage des forces en présence. (…) Les auteurs
ont dorénavant le choix, les éditeurs le savent. Ils
ont peur. Ils vont devoir descendre de leurs piédestaux. ».

Les mots sont forts mais viennent faire prendre conscience que l’un des apports de l’autopublication en ligne a été d’ouvrir l’accès au public à des oeuvres qui n’auraient jamais vu le jour autrement ; et par cet accès libre, des auteurs ont pu être « propulsés » par un public d’internautes au lieu de l’être par un éditeur. Pour Thierry Crouzet, l’autopublication en ligne n’est pas une concurrence à l’édition traditionnelle, c’est une alternative, qui diversifie considérablement la création disponible.
Une autre caractéristique de la publication en ligne telle qu’elle s’est développée depuis dix ans dans le cas de la bande dessinée m’apparaît comme bénéfique : sa dimension sociale. La publication en ligne a été l’occasion de créer une communauté d’auteurs susceptibles de se parler, de discuter de leurs productions respectives, de travailler ensemble, de s’autopublier ensemble, de trouver des éditeurs. Il y a eu formation d’un réseau de sociabilité interne qui n’a pas être que bénéfique pour la création. Julien Falgas rappelait que la plupart des lecteurs de son site Webcomics.fr sont les propres auteurs qui s’autopublient sur ce site. N’oublions pas que le libre accès aux oeuvres, c’est aussi le libre accès des auteurs aux oeuvres de leurs collègues et de leurs prédecesseurs.

Le don, un modèle économique pour la bande dessinée numérique ?

Voulant réaliser un article sur le don comme modèle économique dans la bande dessinée numérique, mon clavier a dérapé sur une réflexion plus générale et sans doute bien trop incomplète… Tout ça pour dire que le présent article me laisse une impressionde superficialité. Ces précautions oratoires étant prises, je le livre tout de même à votre sagacité.

Don et gratuité
On parle souvent de « gratuité » pour évoquer les contenus disponibles sur Internet, qui seraient des contenus « gratuits ». Sébastien Naeco, dans La BD numérique, enjeux et perspectives, ainsi que dans quelques articles de son blog Le comptoir de la bd, a donné quelques arguments pour démonter l’illusion du « gratuit » (accès payant par le fournisseur d’accès, modèle économique de la publicité…). Ce détricotage me semble en effet une bonne démarche : il n’y a pas de contenus réellement « gratuit » en ligne, il y a juste des modes de financements différents. Ce qui m’intéresse davantage que d’entrer dans le débat du gratuit/pas gratuit, c’est d’essayer de comprendre en quoi on peut voir émerger des modèles économiques qui ne cherchent pas à copier le mode « classique » de l’échange marchand. Juste quelques observations subjectives : je ne prétends pas militer pour telle ou telle cause. Parler de gratuité (en bien ou en mal), c’est calquer le modèle économique archi-traditionnel de l’achat comme moyen d’accéder à la propriété d’un bien sur un contexte, la diffusion en ligne, dans lequel il n’est pas le seul à avoir cours. Certes, on peut acquérir un bien au sens traditionnel, par un téléchargement payant (comme par exemple en payant 3 euros 99 pour l’ouvrage de Sébastien Naeco chez le distributeur immateriel.fr, lien, l’ouvrage nous appartenant alors, stocké sur notre disque dur), mais cette modalité est loin d’être la plus fréquente. Je l’ai souvent répété ici, mais le modèle économique dominant dans la bande dessinée en ligne, et quasiment monopolistique au moins jusqu’en 2009-2010 (c’est le modèle des innombrables blogs bd, webcomics, en passant par les numérisations patrimoniales de Coconino ou de la CIBDI), possède deux caractéristiques : 1. il donne un accès, et non une propriété ; 2. il ne s’inscrit pas dans une logique marchande, mais de don fait par un individu ou une institution à la communauté des internautes.

De fait, au lieu de parler de logique de « gratuité », il me paraît plus pertinent de parler de logique de « don » : là où le terme de gratuité ne renvoie qu’à l’aval de l’échange créateur/utilisateur (qu’au seul point de vue de celui qui reçoit le contenu, et a l’illusion de ne rien dépenser), la logique de don peut se réfléchir aussi bien à l’amont qu’à l’aval (du point de vue de l’internaute-lecteur que de celui de l’internaute-créateur).
Il me semble d’abord que celui qui fait le plus de « sacrifice » dans le processus de publication en ligne, ce n’est pas l’internaute qui croit accéder à un contenu gratuitement mais se trompe, mais le créateur original du contenu. Si on devait transposer ce qui se passe sur Internet dans la réalité de l’économique marchande, on verrait des créateurs distribuer gratuitement et à grande échelle leurs créations sans autre contrepartie qu’une notoriété (ce qui n’est pas rien, certes). Cela n’a aucun sens dans une économie capitaliste et, pourtant, cela existe sur Internet, non pas comme « gratuité » (le terme faisant encore partie de la sphère de l’échange marchand) mais comme « don ». Dans ce cas précis, don du créateur à son public. Dans le secteur de la bande dessinée, on ne connaît qu’un équivalent à ce type d’échange (outre des échanges amicaux, évidemment) : la dédicace, durant laquelle le dessinateur donne un dessin à un lecteur. Là encore, si le lecteur a une sensation de « gratuité » dans ce processus, il se trompe : c’est plutôt le dessinateur qui fait un don, comme s’il se payait à lui-même le prix du dessin, alors que d’habitude il reçoit de l’argent pour cela (auprès de son éditeur). Si le principe de la dédicace est si contestée, c’est parce que certains lecteurs mal attentionnés se permettent de revendre la dédicace, c’est-à-dire qu’ils retirent de l’argent de ce qui était à la base un don, pour lequel ils n’ont pas payé ni produit ; en gros, ils spolient une force de travail qui n’est pas la leur (pour continuer sur le vocabulaire marxiste !).
Mais on peut concevoir le don dans l’autre sens : don de l’utilisateur au créateur. On pourrait parler de « contre-don » pour reprendre un concept qui a été théorisé. Face à un don du créateur, l’utilisateur lui délivre un contre-don dont la valeur n’est pas fixée et qui a surtout un sens symbolique de remerciement, plus qu’un véritable échange balisé par des règles. Le donateur donne ce qu’il souhaite, en fonction de ses moyens. La barrière de l’argent est ainsi réduite. C’est ainsi qu’on voit sur quelques sites des « appels aux dons ». J’y reviendrais.
N’étant pas économiste, mes réflexions restent bien tatonnantes… Peut-être dressè-je abusivement ce paysage du don à propos de la bande dessinée numérique. Mais pourtant, ce n’est pas en l’air que je parle de don car quelques économistes ont théorisé ce modèle, y compris avant qu’Internet pointe le bout de son nez, en l’imaginant comme un modèle économique alternatif. Quelques pistes bibliographiques pour ceux qui voudraient approfondir la question. L’un des premiers chercheurs à se pencher sur ce sujet est Marcel Mauss, auteur d’un Essai sur le don en 1923, qui reste une analyse de sociétés non occidentales. L’un de ses sucesseurs, Alain Caillé, tente d’étendre le concept du don à l’économie moderne dans sa revue Mauss (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales). D’autres, comme Jacques T. Godbout, ont relié la question du don à celle de la société de l’information.
Hors du domaine scientifique, la notion « d’économie du don » revient parfois à propos de la création diffusée en ligne, comme ici Nicolas Engel sur blog IBM, ou Lionel Maurel sur S.I.Lex. Pour ces deux blogueurs informés, il s’agit bien de parler « d’économie du don », et non de « gratuité ». Ils insistent également sur la manière dont ce modèle peut s’imbriquer avec d’autres, j’y reviendrais aussi.

Quelques exemples inspirant hors bande dessinée
Quelques exemples hors de la bande dessinée, d’abord. Pourquoi un lien entre la diffusion en ligne et la logique du don/contre-don ? J’y vois deux raisons : l’une est structurelle : la facilité de diffusion qu’offre Internet rapproche le créateur de l’utilisateur ; l’autre est conjoncturelle : Internet, historiquement, s’est développé dans une logique de libre circulation et une « culture du libre » est apparue sur Internet, avec la logique des licences libres. Avec la licence libre, le créateur autorise une libre circulation de son œuvre y compris, dans certains cas, sous la forme d’une exploitation commerciale (et on en revient ici à la comparaison avec la dédicace). A l’origine, la logique de la licence libre, appliquée aux logiciels, avait pour but de permettre une amélioration collaborative sur une œuvre destinée à évoluer en minimisant les contraintes de droits d’auteur. Le créateur du logiciel laissait l’utilisateur libre d’accéder au code source du logiciel pour l’enrichir. On le voit : à l’origine, la culture libre s’applique à des œuvres nativement évolutives.
Un exemple connu est l’encyclopédie libre et collaborative Wikipédia, qu’on ne présente plus. Librement accessible sur Internet depuis 2001 (certes, à condition d’avoir payé un abonnement à son fournisseur d’accès), elle est de plus modifiables librement par les utilisateurs, selon un certain nombre de règles. Cette capacité d’auto-génération par les utilisateurs est ce qui a fait son succès, et en ont fait une encyclopédie de référence, les informations pouvant être enrichies et commentées par tous. Quel modèle économique pour Wikipédia ? Le financement se fait par la Wikimédia Foundation, personne morale qui gère l’hébergement, les droits et les noms de domaine. Les ressources financières proviennent en partie du subventions, de prix, de partenariats avec des entreprises comme Orange pour l’utilisation des articles, mais aussi de dons. Régulièrement, Wikimedia lance auprès des utilisateurs de l’encyclopédie en ligne des appels aux dons.
On pourrait voir ici une forme « d’opportunisme » (le mot est trop fort, je l’admets) dans le fonctionnement de Wikipédia qui, étant devenu un incontournable du net, profite du public qu’il s’est construit pour lancer un appel aux dons. On peut aussi le voir dans l’autre sens et se dire que le modèle économique de la diffusion en ligne consiste à se construire d’abord un public autour d’une oeuvre, puis de solliciter ensuite ce public financièrement, là où, dans l’économie classique, l’achat est un préalable à la constitution du public (et c’est tout à fait applicable à l’exemple de la bande dessinée, quand on voit le nombre de blogs bd adaptés en livre).
Quoi qu’il en soit, il semble bien, dans le cas de Wikipédia, que la logique don/contre-don permette une souplesse dans la circulation : don du créateur qui autorise une circulation libre, puis appel aux dons une fois le public constitué.

Les exemples sont nombreux, et dans des domaines variés, d’oeuvres fonctionnant sur un modèle de don/contre-don. Dans le domaine du jeu vidéo, Dwarf Fortress, développé en 2002 par Tarn Adams, est librement téléchargeable et régulièrement enrichit par son créateur, sur les conseils des utilisateurs. Il s’agit bien d’un « don » du créateur originel par le biais du licence libre : tout le monde peut le télécharger gratuitement, l’installer sur son ordinateur, et y jouer sans être connecté à Internet. Sur son site, le développeur encourage les dons.
Même démarche pour le blogueur Paul Jorion, qui s’explique de son choix d’appeler aux dons : « Vous avez la gentillesse de louer mon indépendance : je ne travaille en effet pas pour une entreprise, je n’enseigne pas non plus, ni ne veut bénéficier de la publicité – qui n’est pas ma tasse de thé ! Je vis exclusivement de mes droits d’auteurs et de vos contributions. Je pourrai continuer d’écrire comme je le fais aujourd’hui tant que vous m’y aiderez. ».
Ces différents exemples utilisent généralement comme solution technique le don par Paypal, courant dans le domaine du logiciel libre. Dans le domaine de la musique, quelques sites existent qui combinent la libre diffusion des oeuvres avec le modèle du don : c’est le cas sur Jamendo où les artistes acceptent de diffuser librement leur musique et d’être rémunérés sur les dons des internautes. On comprend qu’ici, le don est compris comme un moyen de garantir le maintien de la libre diffusion en donnant une assise financière au site et à ses artistes. Un dernier exemple : l’entreprise de services à la création Yooook propose des systèmes logistiques de paiement centré sur le don. Par leur système, la diffusion d’une oeuvre devient de plus en plus ouverte à mesure que progresse les dons qui lui sont adressés. L’idée derrière est que les internautes doivent avoir un intérêt à donner, en l’occurrence la « libération » de l’oeuvre.

Deux remarques : à chaque fois, la configuration est la même : un créateur diffuse librement son oeuvre, se constitue un public d’amateurs, puis se positionne progressivement sur l’économie du don en bouclant la boucle et en appelant au contre-don des utilisateurs, souvent pour éviter second ressort financier d’Internet, la publicité. Je doute toutefois que les dons puissent avoir une pérennité à long terme pour un créateur : ils risquent de ne constituer qu’un revenu d’appoint. Quoique, je dis ça, on ne sait de quoi l’avenir sera fait.

Bande dessinée numérique et don
J’ai largement quitté le domaine de la bande dessinée dans cet article, et je le regrette un peu. Je vais y revenir petit à petit avec quelques exemples.
Une réflexion pour commencer : jusque vers 2009, la publication en ligne a été conçue par les dessinateurs professionnels comme l’espace du don au public par excellence, moyen de nouer des liens avec ce public et acquérir une reconnaissance qui ne soit pas que commerciale, mais aussi d’estime. Contrairement à leurs publications papier, nécessairement payantes, ils se sont donc attachés à donner librement accès en ligne à un ensemble de « bonus » : des making of, des crayonnés, des planches inédites, des extraits… La création de 8comix en janvier 2011 est l’aboutissement de ce « partage des tâches » qui s’est mis en place entre une économie papier de l’échange marchand et une économie web du don. Bien sûr, eux-mêmes ne l’ont pas théorisé ainsi : c’est moi qui interprète l’attitude des dessinateurs face au web. Les initiatives payantes en ligne sont encore peu nombreuses : Lewis Trondheim et Thomas Cadène s’y sont essayés, respectivement avec Bludzee et Les autres gens. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de don à proprement parler, mais de souligner à quel point, pour les créateurs, semble exister une dissociation entre ce qui est diffusé en papier et ce qu’autorise la diffusion en ligne. Cette dissociation permet, d’une certaine manière, de concilier système marchand et système de don : le premier apporte de l’argent, et le second une valorisation plus symbolique de leur travail. Et ainsi de casser partiellement la réticence compréhensible des créateurs envers le don qui ne peut leur assurer, seul, un financement suffisant.
Mais d’autres exemples intègrent le don d’une façon plus manifeste, pas uniquement dans sa complémentarité avec le papier.
D’abord, un passage par la notion de « copyheart » imaginée par Nina Paley, qui tient par ailleurs un webcomic, Mimi and Eunice (http://mimiandeunice.com/). Le principe de sa licence de diffusion « copyheart » est le suivant  : « Copying is an act of love. Please copy and share ». Plus une oeuvre est copiée, plus elle acquiert de la valeur, selon Nina Paley. D’où l’idée de cette licence Copyheart qui n’a toutefois qu’une valeur d’intention, pas d’efficacité juridique. Ce principe est appliqué à son webcomic Mimi and Eunice, qui aborde parfois les questions de droits d’auteur : il est possible de lui adresser des dons via Paypal sur son site. Ce qui n’empêche pas d’exister une version papier payante du webcomic : le problème soulevé n’est pas tant la valeur marchande d’une oeuvre que la possibilité de la diffusion librement et sans restriction, et les deux systèmes ne sont pas incompatibles.
Plusieurs blogueurs bd français laissent à leur public la possibilité de leur adresser des dons. Je prends l’exemple du dessinateur Tim, du blog « A cup of Tim », qui explique sa démarche dans cette note. Il ne conçoit pas le don comme un schéma unique de rémunération de l’internaute vers le dessinateur, mais comme une des alternatives, à côté d’autres financement plus conventionnels : la publicité, des dessins à vendre, un album auto-édité.

Il me faut également parler de Sandawe, éditeur qui s’est construit en 2009 autour d’une interprétation particulière de l’économie du don. Les internautes sont appelés à être des « édinautes » : ils adressent des promesses de dons pour tel ou tel album présenté (mais pas entièrement publié) sur le site. Dès qu’un album reçoit une certaine somme sous la forme de ces investissements, il est édité. Il en a été ainsi de Maître Corbaque de Zidrou. Le système ne recouvre pas complètement ma définition du don/contre-don dans la mesure où il n’y a pas « don » initial de l’auteur. Mais cela fait écho aux observations que Lionel Maurel faisait sur le site Musiclu, au fonctionnement identique : « Ce que je trouve intéressant ici, c’est la manière dont le label cible d’emblée une communauté d’achat plutôt que d’appeler des individus isolés à faire un don. On est proche d’une sorte de groupement d’achat de biens culturels qui permettra ensuite à tous de disposer de l’œuvre. Par certains côtés, cela évoque le principe des souscriptions qui sont parfois lancées pour permettre à des ouvrages scientifiques (Mélanges …) d’être publiés. Si ce n’est que la mobilisation du réseau social permet de bénéficier des effets de recommandations virales associés. ». Cette remarque vaut aussi pour Sandawe, comme si un nouveau modèle basé sur le mécénat émergeait doucement. Il est sûr que la publication en ligne a ouvert des horizons d’expérimentation et de réflexion inimaginable dans un système papier.

Dernier exemple : depuis le début de l’année 2011, le site Webcomics.fr, célèbre plate-forme d’hébergement et d’auto-édition a lancé un appel aux dons. Une différence toutefois par rapport aux exemples précédents : le don n’est pas destiné aux auteurs, mais aux administrateurs de la plate-forme de diffusion pour en garantir la pérennité. Cela s’explique par la structure de Webcomics.fr qui n’est pas un éditeur mais un soutien à l’auto-édition en ligne. Ce don est donc également un appel aux auteurs hébergés par le site, autant qu’aux lecteurs. Ici aussi le don est sollicité pour aider à une libre circulation des oeuvres sur Internet, et garantir les initiatives qui la promeuvent.

Repliques : La BD numérique, enjeux et perspectives par Sébastien Naeco

Complément idéal à ma bibliographie sur la bande dessinée numérique, que j’ai encore étoffée pour l’occasion, je me livre à une recension, comme disent les universitaires, d’un ouvrage qui vient de paraître sur le sujet…

Lentement, quand un nouveau média apparaît, un discours se cristallise autour de lui. Il n’y a là rien d’anodin : les discours conditionnent les représentations et deviennent un élément du contexte de réception des oeuvres, à coté de facteurs économiques, esthétiques, institutionnels… A ce titre, il ne faut pas négliger la partie médiatique que livrent les commerciaux d’izneo pour diffuser l’idée que la bande dessinée numérique est de la bande dessinée numérisée. Au-delà de la simple stratégie de communication, la portée des différents discours sur la bande dessinée numérique détermine la qualité des conditions de réception de ce nouveau média.
Jusqu’ici, les discours sur la bande dessinée numérique en France étaient dispersés sur la toile ou au sein d’articles de presse, de colloques, de tables rondes… Autant de réflexions pertinentes y étaient développées, mais sans que le travail de synthèse n’ait véritablement commencé à se mettre en place. Il y aurait déjà là une bonne raison de se procurer l’ouvrage de Sébastien Naeco La BD numérique, enjeux et perspectives, sorti en avril dernier chez Numeriklivres (il est uniquement disponible en version numérique pour la modique somme de 3 euros 99). La BD numérique est la première synthèse générale sur la bande dessinée numérique : sur environ 120 pages, Sébastien Naeco dresse un état des lieux de la bande dessinée numérique au printemps 2011, se risquant même à quelques pronostics. En l’absence de tout autre livre sur le sujet, celui-ci s’impose d’emblée au lecteur averti qui souhaiterait en savoir plus.
Le nom même de l’auteur est une seconde bonne raison de lire cet essai. Sébastien Naeco (c’est un pseudonyme, il est journaliste de profession) est le créateur et l’unique contributeur du blog « Le comptoir de la bd » sur lequel l’amateur de bandes dessinées peut suivre depuis janvier 2009 l’actualité du neuvième art, au rythme effréné de presque un nouveau billet par jour. Et même si je me trouve souvent en désaccord avec les goûts de l’auteur sur son blog, il suit de près l’évolution de la bande dessinée numérique depuis plus d’un an. Il a fait découvrir à ses lecteurs (moi y compris) les créations originales de Balak ou Fred Boot. C’est également, depuis octobre 2010, par des interviews de blogueurs bd (complément idéal de mes propres « Parcours de blogueurs ») qu’il s’investit dans la connaissance de ce domaine de la création. Ce long préambule car, pour tous discours, il faut savoir « qui parle ? ». Dans le cas qui nous occupe, je vous laisse de vous-même aller voir sur « Le comptoir de la bd » la façon dont Sébastien Naeco parle de bande dessinée numérique : La BD numérique est l’aboutissement de plus d’un an d’observations de l’ébullition fragile d’un secteur émergent, ce qui est une promesse de sérieux.

Une réflexion, des enjeux aux hypothèses
D’emblée, délimitons le champ d’action de Sébastien Naeco, car 120 pages ne suffirait à expliquer en détail le fonctionnement et l’évolution de la bande dessinée numérique. En gros, qu’est-ce que vous ne trouverez pas dans La BD numérique ? On pourrait presque ici s’arrêter sur le titre qui a au moins le mérite de ne pas trop en promettre. Il sera question des « enjeux » et des « perspectives ».
Par « enjeux », il faut comprendre que Sébastien Naeco propose un état des lieux au printemps 2011. Pas ou peu de retours en arrière ; pas de réflexions esthétiques ; pas non plus de typologie des créations et des sites. En ce sens, il n’englobe pas la totalité des discours produits sur la bande dessinée numérique. Ce qui n’est pas un reproche : on ne peut parler de tout, et les thèmes qu’il aborde ont leur cohérence propre et évitent l’éparpillement du discours. Il met principalement en forme les grands débats qui agitent les prescripteurs culturels depuis un ou deux ans autour de la bande dessinée numérique : quel support de lecture ?, quels outils techniques pour la création et la diffusion ?, quel modèle économique ?, quel système de diffusion ?, qu’en est-il du piratage ? Il parvient en quelques pages à pointer du doigt, et apporter des conclusions généralement pertinentes, sur quelques interrogations suscitées par l’émergence de la bande dessinée numérique. Commencer son livre par la distinction entre BD numérisée et BD numérique de création originale (à quoi il ajoute, non sans raison, les « BD numériques qui ne savent pas qu’elles en sont », j’y reviendrais) est un moyen de prendre parti dès le départ pour une bande dessinée numérique native encore peu médiatisée. Là encore, c’est une logique que l’on retrouve dans ce blog, sur lequel il fait autant de place aux oeuvres numérisées qu’aux créations originales. La partie « enjeux » de l’ouvrage est bel et bien une synthèse de ce qui se dit et s’écrit, ce qui fait sa valeur. Il ne rentre pas dans les détails de chaque débat, mais en donne les grandes lignes et les tendances.
Toutefois, Sébastien Naeco va plus loin que le simple catalogue des enjeux, qu’il faut avoir en tête, lorsqu’il donne son opinion personnelle sur tel ou tel sujet, et la défense de la création originale en est un exemple. C’est aussi l’objet de la partie « perspectives ». Dans un dernier chapitre, intitulé « Prospective sur la BD numérique », il tente de proposer ses solutions pour le développement de la bande dessinée numérique. Quelles sont-elles ? En premier lieu, « l’intégration de la BD numérique dans un dispositif transmédia ». Comprendre ici que la BD numérique est un moyen idéal de développer des univers issus du cinéma, de la littérature, de la bande dessinée papier. « S’appuyer sur un univers familier, une licence, des personnages déjà connus, facilite l’identification et l’appropriation d’un support aux yeux des spectateurs/ joueurs/lecteurs avides d’approfondir leurs connaissances. C’est également remettre le contenu au centre des préoccupations, et non le procédé de diffusion ou le support utilisé.  »(p.91). Le principe de transmédia dépasse le simple stade du « produit dérivé » en ce qu’il y a recréation originale sur un autre support, et non copie. La seconde solution est : « Vendre des services de conception en parallèle de la création pure ». Ici, le producteur de bande dessinée numérique est invité à devenir (en partie) un « fournisseur de services » pour assurer l’extension et la solidité du marché ; soit en proposant des créations « clés en mains » à des entrerprises de communication ou d’audiovisuel, soit en favorisant la formation en amont. Troisième solution : « encourager la vente de contenus à des sites de flux ». Une fois encore, il s’interroge sur les débouchés possibles de la BD numérique au sein de l’offre des fournisseurs d’accès ; la bande dessinée numérique est ici mise en parallèle avec l’offre de télévision par Internet de certains FAI. Quatrième solution : « penser l’offre par thématique. », simple déclinaison du rating par genre ou public visé. Enfin, cinquième et dernière solution : « soutenir la création avec la vente d’objets personnalisables », où la bande dessinée numérique est à son tour l’occasion de vendre des produits dérivés (tee-shirts, pin’s, posters…), ou plutôt où les produits dérivés sont un moyen de soutenir économiquement un marché naissant.

La bande dessinée numérique : une future industrie culturelle
Si j’ai détaillé les solutions suggérées par Sébastien Naeco, c’est pour souligner la spécificité théorique de son approche : le discours qu’il tient ici a sa cohérence dans la conception de la bande dessinée numérique comme industrie culturelle. Une telle conception n’aurait sûrement pas pu voir le jour il y a quelques années, quand le marché était encore balbutiant, composé de méritantes start-up et d’amateurs en cours de profesionnalisation, tandis que les « professionnels » de la bande dessinée (ou, pour rester dans le même registre, de l’industrie de la bande dessinée), restaient encore méfiants vis à vis de ce qu’ils ne voyaient que comme un outil de promotion, à la rigueur de publication gratuite « en plus », mais pas du tout d’édition commerciale. Pour mémoire, cette interprétation de la culture comme « industrie culturelle » est relativement récente. Le terme apparaît dans les discours publiques, notamment, dans les années 1980 ; ce qui annonce l’intégration finale de la culture au sein de la société de consommation dont les principes se sont affirmés au fil des décennies depuis les années 1960 (je parle ici en terme de représentations collectives et symboliques : il est évident que la culture était une industrie avant les années 1980 !). J’y vois une dérive « économiciste » de notre vision du monde, qui est visible dans bien d’autres domaines que la bande dessinée. La bande dessinée numérique apparaît dans les années 2000, il est normal que les discours qui l’encadrent soient influencés par ceux sur la culture en général.
En conséquence, les solutions de Sébastien Naeco s’adressent moins aux créateurs ou aux lecteurs qu’à ceux que l’auteur du livre appellent les « producteurs », reprenant ici une terminologie du cinéma américain qui place au centre de la création cinématographique la personne, ou l’entreprise qui, pour le dire trivialement, place de l’argent sur un projet. A la lecture des solutions présentées ci-dessus, on comprend bien que Sébastien Naeco veut avant tout nous exposer les débouchés possibles du marché de la bande dessinée numérique, y compris dans des domaines qui ne relèvent plus véritablement de la création artistique. De la même manière, sa présentation des « acteurs » dans un deuxième chapitre met l’accent sur l’aval de la création : l’édition, la distribution, la diffusion technique. Plus qu’à la bande dessinée numérique en elle-même, il réfléchit à « l’environnement » de la bande dessinée numérique : son contexte de diffusion, de lecture… Même le chapitre 4 intitulé « Comment créer une BD numérique ? » s’adresse au moins autant aux « producteurs » qu’aux créateurs. Le titre d’une de ses sous-parties semble synthétiser en une phrase la thèse de l’auteur : « L’approche éditoriale au cœur de la création ». Thèse assez juste, mais qui présente le risque d’aboutir à des œuvres normalisées pour un format contraint et un public segmenté (le rating étant envisagé comme une solution) ; ce contre quoi s’est battue une partie des dessinateurs durant les années 1990.
Sans doute y a-t-il dans La BD numérique une hypertrophie des questions relevant du développement économique d’une industrie, alors même que, paradoxalement, c’est à l’heure actuelle le domaine où il y a le plus de lacunes. Au contraire, en terme de création et d’esthétique pure, les dix premières années de la bande dessinée numérique auront été celles d’une expérimentation riche et variée hors de contraintes économiques structurantes. J’ai la faiblesse de croire que cette richesse était justement dûe en partie à l’absence de contraintes qui favorisait une création tout azimut, de la simple planche scannée à la bande dessinée interactive en flash, sans qu’un système n’impose ses normes régulées pour répondre à des besoins segmentés de consommateurs. Conscient de cette contradiction entre une production non encadrée, mais riche, et une production encadrée mais risquant de perdre de sa valeur, Sébastien Naeco développe un long passage contre ce qu’il appelle la « censure », s’appuyant sur l’exemple d’un diffuseur comme Apple qui exclut certaines œuvres de son Appstore, pour des raisons politiques. Mais n’est-ce pas la liberté de choix de l’éditeur (ou de diffuseur) d’éditer (ou de diffuser) ce qu’il souhaite, y compris si sa politique éditoriale est guidée par une « posture moralisatrice » ? Charge après au lecteur d’aller s’adresser à un autre éditeur, d’où la nécessité de garder la plus grande diversité possible dans les œuvres.
Pour l’instant, l’initiative de la création numérique, contredisant en cela l’observation d’un primat de l’édition, revient en grande partie aux créateurs eux-mêmes, qui adaptent en quelque sorte leur choix d’une forme éditoriale à leur désir de publication. Des sites comme Webcomics.fr sont même allés jusqu’à développer des plate-formes pour aider à l’auto-édition et affirment justement qu’elles n’accomplissent pas un travail d’éditeur. L’auto-publication domine encore à ce jour la production en ligne de bande dessinée, avec une visibilité bien plus grande que l’édition professionnelle, état exactement inverse à celui de la bande dessinée papier où l’auto-édition (par le fanzinat, notamment) est comme étouffée par l’édition professionnelle. Même si la vision centrée sur les questions économiques de Sébastien Naeco est tout à fait cohérente au sein de son ouvrage, c’est peut-être là un reproche que je lui adresserais. Pour un premier livre sur la bande dessinée numérique, il donne peu envie aux lecteurs (qui plus est à des lecteurs connectés !) d’aller voir par eux-mêmes les œuvres. Certes, elles sont foisonnantes et extrêmement (trop?) nombreuses, mais, alors que sur « Le comptoir de la Bd », Sébastien Naeco nous invite régulièrement à aller visiter tel ou tel blog, nous appâtant avec des captures d’écran judicieusement choisies et des interviews où le dessinateur explique sa démarche, il a abandonné cette approche didactique dans La BD numérique au profit de réflexions plus générales. Il semble tomber dans son propre piège en disant : « Pour le dire autrement, beaucoup de monde sait que les Autres Gens est une BD en ligne, peu savent réellement ce que cela raconte. ». Faire envie aux lecteurs en leur expliquant ce qu’on peut « raconter » avec la bande dessinée numérique aurait été une initiative excellente, mais Sébastien Naeco n’a pas choisi d’emprunter ce chemin. On m’objectera qu’il met à la fin une liste de sites à consulter : c’est vrai, mais une fois de plus, on ne fait que tourner autour des œuvres en ne proposant que leurs canaux de diffusion, sans travail de sélection et d’appréciation.

Ceci étant posé, il est certain que sur les questions économiques les réflexions de Sébastien Naeco sont éclairantes pour l’avenir. Le chapitre 5 s’intitule justement « L’économie de la bande dessinée numérique ». Il vient démonter quelques lieux communs. Quelle légitimité de la rémunération des auteurs pour la diffusion en ligne ? (on débattra sans fin autour de cette phrase, p.76 : « il ne va pas de soi que les artistes qui aujourd’hui se servent de la toile pour publier leurs œuvres veuillent, souhaitent ou aient idée qu’ils peuvent en tirer un revenu. ») La gratuité n’est-elle pas une illusion ? Quel risque exact le « piratage » fait-il courir au développement d’une industrie ? En ce sens, l’auteur fait la part des choses entre une vision économique « orthodoxe », qui calquerait l’économie numérique sur l’économie papier, et une vision « hétérodoxe » qui prend en compte la préexistence de canaux de publication différents, et les spécificités actuelles de la publication en ligne.

Quelques pistes de réflexions
Pour terminer, j’aimerais mettre en avant quelques pistes de réflexions qui sont esquissées dans La BD numérique, mais qui mériteraient un traitement plus approfondi. Elles témoignent d’enjeux de réflexion que la bande dessinée a fait émerger ces dernières années.
Tout d’abord, la description des acteurs (chapitre 2) montre à quel point l’une des forces de la bande dessinée numérique est de faire entrer dans l’univers de la bande dessinée des acteurs complètement nouveaux, propres à enrichir le medium de leur propre culture. Je parlerais plus loin des concepteurs de jeux vidéos, mais Sébastien Naeco évoque aussiles FAI, les prestataires techniques, autant de professions qui apportent de l’innovation et des idées. De même, la bande dessinée numérique génère des nouveaux types de professions (ou de « fonctions ») inconnues dans l’univers papier, comme l’hébergeur de contenus, qui ne se confond pas avec l’éditeur.
J’ai aussi apprécié la notion de « BD numérisée qui ne sait pas qu’elle en est », qui ressort dès le premier chapitre. Par ce terme, Sébastien Naeco veut parler des séquences animées des jeux vidéos, des multiples jeux en ligne, de certains tutoriels et outils de e-learning empruntant, sur un support numérique, aux codes de la bande dessinée. Il y a incontestablement là des passerelles à penser, et dans les deux sens. Comment le langage de la bande dessinée s’est-il imposé au point de pénétrer dans des produits qui ne relèvent pas de ce medium ? Mais aussi : Comment ces ébauches de bande dessinée numérique ont pu ou peuvent inspirer les créateurs ? Il n’est pas rare que, grâce à sa connaissance des outils numériques et son goût pour le récit fictionnel, un concepteur de jeu vidéo touche à la bande dessinée numérique. Les exemples sont nombreux et laissent à penser que l’apparition et le développement de la bande dessinée numérique pourraient en partie reposer sur une interaction entre médias, un processus proche du « transmedia », notion essentielle expliquée dans La BD numérique.
Car, ce qui, à terme, est destiné à faire l’objet d’une plus ample réflexion, qui a d’ailleurs déjà largement commencé, est la notion de « transmedia ». Elle était le sujet de la dernière université d’été du CIBDI d’Angoulême. La bande dessinée numérique questionne les modalités de dialogues entre médias, et leur possibilité de fusion et d’échanges (échanges de contenus, mais aussi échanges de procédés). L’hybridation entre médias est une des pistes de réflexion les plus promotteuses pour les discours sur la bande dessinée numérique (et s’est tenu ces derniers jours, organisé par l’université de Tours, un colloque intitulé « Hybridation texte-image » dans lequel Anthony Rageul est venu parler de bande dessinée numérique). Car, illustrée par cette dernière, elle pourra, à terme, ouvrir de nouvelles pistes sur la bande dessinée en général.

La bande dessinée numérique : une bibliographie

Depuis la fin des années 2000, le terme « bande dessinée numérique » s’est imposé pour parler de toute forme de bande dessinée créée et diffusée au moyen d’outils numériques. C’est celui que j’emploierais ici. Mais cette déclinaison particulière d’un medium bien connu, rattaché jusque là à l’économie du livre, existe aux Etats-Unis depuis les années 1990, et émerge en France à la fin de cette même décennie. Comme tout nouveau média, il a engendré un certain nombre de discours, d’abord de façon sporadique, puis par une accélération brusque à partir de 2009, au moment où a commencé la médiatisation massive du phénomène.

Cette bibliographie s’adresse à quiconque doit se confronter à la bande dessinée numérique dans son travail : journalistes, chercheurs, bibliothécaires, créateurs… Mais les simples curieux n’hésiteront pas non plus à s’y reporter. Elle se concentre avant tout sur le domaine français, par méconnaissance personnelle de ma part des situations américaines et asiatiques. En fin de bibliographie, deux titres viennent renseigner le domaine américain. Le nombre réduit de publications m’a permis de me tenir à une certaine exhaustivité. J’ai notamment essayé de recenser les travaux universitaires traitant de la bande dessinée numérique, dès le master 2 : les jeunes chercheurs ont été précoces dans l’investissement de ce champ d’études et leur production constitue à ce jour une source d’informations d’autant plus précieuse que certains travaux sont librement disponibles en ligne.

A la lecture de la bibliographie, deux éléments ressortent particulièrement :

1. Schématiquement, on peut décliner les discours sur la bande dessinée en trois approches, pouvant se compléter l’une l’autre : l’approche « état des lieux », qui conduit à des analyses d’ordre économique ou historique ; l’approche « pratique », qui donne un guide des techniques de production et de diffusion ; l’approche esthétique, qui cherche à faire émerger une théorie expérimentale de la bande dessinée numérique. A mes yeux, le foisonnement et la cohérence de cette dernière approche est remarquable : là où les modèles économiques peinent à se construire, là où l’approche historique n’en est qu’au point de l’ébauche ponctuelle, le développement d’une esthétique de la bande dessinée numérique tout au long de la décennie 2000 a permis l’émergence de concepts profondément novateurs, souvent nourris par des analyses identiques portées sur d’autres arts (interactivité, transmédia, nouveaux modes narratifs, toile infinie…).

2. En terme de nomenclature, les appellations données à la bande dessinée numérique sont très variables, ce dernier terme faisant momentanément consensus. Il ne m’appartient pas ici de relancer ce débat de vocabulaire, mais plutôt de mettre en garde les lecteurs d’ouvrage sur la bande dessinée numérique. L’emploi de termes différents signifie généralement que l’auteur, volontairement ou non, met en avant une conception exclusive de la bande dessinée numérique, qui restreint son champ d’études. On prendra bien garde de ne pas considérer comme synonymes et d’examiner avec attention l’emploi des termes aussi divers que bande dessinée interactive, webcomic, bande dessinée en ligne, récit numérique, bande dessinée numérisée, blog bd, turbomedia… J’ai fait le choix de regrouper tous ces termes sous l’appellation générale de « bande dessinée numérique », tout en restant conscient qu’il s’agit d’une solution de facilité.

Une dernière précision est nécessaire : j’ai privilégié une littérature « savante », autrement dit les publications se basant sur une analyse détaillée et argumentée et posant sur la bande dessinée numérique un regard critique. Se trouve exclue la masse importante des articles d’actualité parus dans la presse spécialisée ou généraliste. Quelques liens sur des sites d’actualité spécialisés pallient toutefois à cette lacune. En revanche, je n’ai procédé à aucune sélection en terme d’approches disciplinaires : vous trouverez donc aussi bien des références sur l’esthétique de la bande dessinée numérique que sur son histoire et son économie.

Enfin, cette bibliographie se veut évolutive : si vous avez connaissance de travaux sur la bande dessinée numérique que je ne mentionne pas, n’hésitez pas à me contacter.

Je remercie Julien Falgas pour son aide, directe ou indirecte, dans la conception de cette bibliographie.

Vous pouvez aussi télécharger cette bibliographie : Bibliographie sur la bande dessinée numérique

Bibliographies :

Evidemment, cette bibliographie est une première, donc la rubrique « bibliographies » est encore vide… Néanmoins, je vous signale l’existence d’une bibliographie sur le livre numérique publiée par la Bibliothèque nationale de France. Certes, elle se concentre avant tout sur le livre-texte, hors bande dessinée. Mais elle me semble tout de même indispensable pour quiconque veut s’intéresser à la BD numérique : les problématiques se rejoignent nécessairement. Elle est téléchargeable gratuitement  :
– Bibliothèque nationale de France, Le livre numérique, bibliographie séléctive, 2011. url : http://www.bnf.fr/documents/biblio_livre_numerique.pdf.

On trouvera également une bibliographie du domaine anglais dans un article en ligne que je mentionne plus bas, du laboratoire de recherche NT2. Url : http://nt2.uqam.ca/recherches/dossier/webcomics

Essais :

– Scott McCloud, Réinventer la bande dessinée, traduit de l’anglais par Jean-Paul Jennequin, Vertige Graphic, 2002.
Edition française d’un ouvrage fondateur de Scott McCloud paru en 2000 chez Harper. Le dessinateur, déjà auteur de deux ouvrages théoriques sur la bande dessinée dont la particularité est d’être rédigés sous la forme de bande dessinée (en français, toujours chez Vertige Graphic : L’art invisible, 1999 et Faire de la bande dessinée, 2000) envisage l’avenir du medium, notamment face aux nouvelles technologies. Les enjeux qu’il soulève (nouvelle économie, nouveau mode de distribution, nouveau mode de création), dès 2000, restent encore d’actualité, même s’il ne faut pas perdre de vue sa date lointaine de rédaction.

– Steven Withrow, John Barber, BD en ligne, la bande dessinée sur le web, outils et techniques, traduction de l’anglais par Laurence Seguin, atelier Perrousseaux, 2007.
Encore la traduction d’un ouvrage d’outre-atlantique (Webcomics, Hauppage, 2005). Il se décompose en deux parties : une introduction historique sur la bande dessinée en ligne, qui ne concerne que le domaine américain ; un guide pratique pour créer et diffuser soi-même son webcomic, à partir des exemples cités dans la première partie.

– Sébastien Naeco, La BD numérique, état des lieux, enjeux et perspectives, NumerikLivres, 2011.
Le premier ouvrage français sur la bande dessinée numérique. Il adopte une démarche plus prospective, principalement orientée vers l’analyse économique d’un marché potentiel de la bande dessinée numérique : état des lieux des forces en présence et essai de réflexion sur les modèles économiques. Uniquement disponible en version numérique, sur le site de l’éditeur, par exemple : http://numerikmedias.com/librairie/?wpsc_product_category=comprendre-le-livre-numerique.

Revues et articles :

BDZ
Ce webzine « impertinent » pour reprendre les propres termes de ses auteurs, est entièrement consacré à la bande dessinée numérique. Impertinent, il l’est en effet en ce qu’il porte un discours alternatif, critique et exigeant. A suivre car les auteurs sont d’excellents connaisseurs de la bande dessinée numérique et des problématiques qui l’entourent.
Url : http://issuu.com/b.d.z.mag
Deux numéros parus :
numéro 0
numéro 1 : spécial Iznéo

Jade : Internet, numérique et bande dessinée, n°108u, 6 pieds sous terre, printemps 2011.
Numéro de la revue de création Jade qui fonctionne sur le principe suivant : chaque semestre, un thème sur lequel plusieurs auteurs de bande dessinée proposent de courtes planches. On trouvera donc dans cette revue l’avis dessiné d’auteurs sur le numérique et sur Internet, mais aussi des articles « textes » sur lesquels j’attire votre attention :
– Jean-Noël Lafargue, « Bande dessinée et Internet », p.2-5, qui, comme son titre l’indique, s’intéresse aux liens entre la BD et Internet, c’est-à-dire qu’il n’aborde qu’incidemment la bande dessinée numérique.
– Anthony Rageul, « Le numérique c’est facile », p.13-16, qui explique quelques potentialités du numérique appliqué à la bande dessinée, et les difficultés à les transmettre au sein de la profession.

Hermès, n°54, CNRS éditions, 2009
La revue interdisciplinaire du CNRS Hermès a choisi de consacrer son cinquante-quatrième numéro à la bande dessinée. Trois articles s’intéressent plus spécifiquement à la bande dessinée numérique ou à son contexte :
– Pierre Fastrez et Baptiste Campion, « L’hybridation BD/jeux vidéo : émulsion impossible ? », p.117-118.
– Sébastien Rouquette, « Les blogs BD, entre blog et bande dessinée », p.119-124.
– Etienne Candel, « La bande dessinée en ligne, entre idéaux de rupture et de continuité », p.125-126.
– Khaled Zouari, « Le site Webcomics, un exemple d’interactivité », p.127-132.
Sommaire en ligne de la revue : url : http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/30596

Plusieurs articles du site Du9.org sont des analyses savantes sur la bande dessinée numérique plus que des notes d’actualité. Je les fait figurer ici plutôt que dans les « ressources en ligne » (voir ci-dessous):
– Anthony Rageul, « Pour une bande dessinée interactive », [en ligne] Du9.org, février 2010. Url : http://www.du9.org/Pour-une-bande-dessinee#forum13612
– Anthony Rageul, « Des clics et du sens », [en ligne] Du9.org, mai 2010. Url : http://www.du9.org/Des-clics-et-du-sens.

Travaux universitaires :

Quelques jeunes étudiants et chercheurs se sont intéressés à la bande dessinée numérique et ont nourri, à leur échelle, la réflexion. Certains de ces travaux sont librement disponibles en ligne. Dans tous les cas, n’oubliez pas de contacter les auteurs avant de les utiliser.

– Laurène Streiff, Enjeux des oeuvres numériques de bande dessinée sur la création artistique, mémoire de maîtrise, université d’Avignon, sous la direction de Pierre-Louis Suet, 2001. En ligne sur le blog de Julien Falgas : http://julien.falgas.fr/post/2004/09/21/1303-et-la-bd-rencontra-l-ordinateur.

Travail précoce sur la bande dessinée et le numérique, il propose plusieurs voies pour l’esthétique de la bande dessinée numérique. Le terme employé pour la bande dessinée numérique est e-BD, et la question des limites de la bande dessinée sur ordinateur au sein d’une culture numérique est déjà posée.

– Julien Falgas, Toile ludique, vers un conte multimédia, mémoire de maîtrise, université de Metz, sous la direction d’Olivier Lussac, 2004. En ligne sur Neuvième art 2.0: http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?page=memoire&id_memoire=7
Julien Falgas, dans ce travail, se place sur le plan de la narration en images en développant la notion de « Conte multimédia ». Il s’interroge sur la manière dont l’émergence de la bande dessinée numérique pourrait (nous sommes encore en 2004) aboutir à son rapprochement avec le jeu vidéo, par la dimension ludique.

– Sébastien Prévost, La BD et les nouvelles technologies : mort ou renaissance d’un genre ? , mémoire de master 2, université Paris XIII, IUP Métiers de la communication, sous la direction de Luc Pinhas, 2006. En ligne sur le blog de Julien Falgas : http://julien.falgas.fr/post/2006/10/01/1884-la-bd-et-les-nouvelles-technologies-mort-ou-renaissance-dun-genre.

Etat des lieux sur la bande dessinée numérique au milieu des années 2000. L’approche de l’auteur est surtout descriptive, et orientée sur l’évolution du marché.

– Flore Tilly, Les Blogs BD, au croisement numérique des expressions personnelles et artistiques, mémoire de master 2, université de Rennes 2 Haute-Bretagne, 2008. Peut être complété par les articles de l’auteur sur le site de Julien Falgas : http://julien.falgas.fr/tag/par%20Flore%20Tilly.

Etude sur le phénomène spécifique des blogs bd (milieu des années 2000), envisagé sous ses ressorts éditoriaux et communicationnels.

– Anthony Rageul, Bande dessinée interactive. Comment raconter une histoire ?, mémoire de master, université Rennes 2 Haute-Bretagne, sous la direction de Joël Laurent, co-dirigé par Philippe Marcelé, 2009. En ligne : http://www.prisedetete.net/fr/memoire.html#download.
La qualité de ce travail universitaire, qui lui donne toute sa pertinence, est d’être à la fois la défense et l’illustration d’une théorie sur la bande dessinée interactive. Anthony Rageul a en effet réalisé une bande dessinée numérique et c’est à partir de sa propre création qu’il démontre les potentialités du medium.

– Magali Boudissa,  La bande dessinée entre la page et l’écran : étude critique des enjeux théoriques liés au renouvellement du langage bédéique sous influence numérique, thèse de doctorat, université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, sous la direction de Daniel Danétis, 2010.

Le doctorat de Magali Boudissa est une relecture de l’esthétique de la bande dessinée à l’ère numérique. Elle confronte les approches théoriques élaborées autour du medium dans sa dimension papier aux évolutions induites par le récit sur ordinateur, se focalisant principalement sur la gestion d’un nouvel espace (l’écran, et non plus la page) et le caractère « hypermédiatique » du numérique (interactivité, hybridation…).

Ressources en ligne :

– Scott Mc Cloud, « I can’t stop thinking », 2001. url :http://scottmccloud.com/1-webcomics/icst/index.html.
Les réflexions de Scott McCloud sur la bande dessinée numérique sont extrêmement utiles et constituent une base de travail idéale. Le lien ci-dessus est l’appendice mis en ligne de son ouvrage Reinventing comics (voir plus haut). Certes, cela date du début de la décennie et l’auteur dit lui-même que les réflexions sont obsolètes ; certes, c’est en anglais, mais allez quand même y jeter un coup d’oeil.
– Gabriel Gaudette, « Webcomics », n.d. (vers 2008). url : http://nt2.uqam.ca/recherches/dossier/webcomics Le laboratoire nt2 de Québec, spécialisé dans l’étude des oeuvres hypermédia, a mis en ligne cet article sur le domaine nord-américain, assorti d’une bibliographie, de plusieurs ressources en ligne, et de quelques exemples d’oeuvres. Une approche intéressante des débuts américains du webcomic.

– « Bande dessinée en ligne », Wikipédia. Url : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bande_dessin%C3%A9e_num%C3%A9rique.
L’article de l’encyclopédie collaborative concerne surtout la bande dessinée en ligne plus que la bande dessinée numérique, mais c’est une bonne synthèse : il met bien en avant l’historique du medium, les différents enjeux, et ses sources sont fiables.

– Le blog de Julien Falgas (http://julien.falgas.fr/) est également une ressource essentielle, presque entièrement consacré aux réflexions de l’auteur (par ailleurs fondateur de Webcomics.fr) sur la bande dessinée numérique. Il faut forcément fouiller dans les articles pour trouver ce qu’on cherche, mais ce sont des réflexions de qualité sur le domaine.

Plusieurs revues et site spécialisés proposent des dossiers spéciaux sur la bande dessinée. Les liens renvoient ici directement vers les articles uniquement consacrés à la BD numérique et en ligne :

Neuvième art 2.0, la revue désormais en ligne de la Cité de la bande dessinée, propose un intéressant dossier sur « La Bande dessinée sur écrans » url : http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?rubrique60.

– Le blog de Sébastien Naeco : http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/category/bd-numerique/. Sébastien Naeco mène une veille sur la bande dessinée numérique depuis deux ans maintenant. On trouvera sur son site beaucoup d’interviews d’auteurs qui travaillent ou se diffusent par voie numérique : c’est ce qui est le plus intéressant. Ne pas manquer non plus les commentaires qui sont souvent le lieu de débat sur le sujet.

– Le site Actuabd propose également un dossier sur la BD numérique, davantage orienté, vous l’aurez compris, vers des « actualités », et moins vers des réflexions : http://www.actuabd.com/-La-Bande-dessinee-numerique-.

Sites de références et de veille :

http://www.pilmix.org/.
L’association Pilmix a été créée début 2010 pour promouvoir la bande dessinée numérique. Elle mène naturellement sur son site une veille sur la question, que l’on peut aussi suivre via Twitter ou Facebook.

http://bd-numerique.blogspot.com/
Le groupement des auteurs de bande dessinée, branche du syndicat national des auteurs-compositeurs, réfléchit lui aussi à l’avenir numérique de la bande dessinée et expose ses réflexions sur un blog depuis novembre 2010.

http://www.scoop.it/t/turbo-media-naissance-d-un-nouveau-medium
Le blogueur Gipo mène une veille spécifiquement orientée vers le concept encore récent de Turbomédia, une hybridation numérique entre bande dessinée et animation graphique qui a, je l’espère, de beaux jours devant elle.

Lectures en anglais :

(données à titre indicatif, ces titres n’ont pas été consultés par moi)

– T. Campbell, A History of Webcomics, Antartic Press, San Antonio, 2006.

– Brad Guigar, Dave Kellet, Scott Kurtz et Kris Straub, How to Make Webcomics, Image Comics, Berkeley, 2008.