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Parcours de blogueurs : Monsieur le chien

L’humour est sans doute le genre le plus utilisé sur les blogs. Sans doute parce qu’on le croit le plus facile pour accrocher un lectorat. Sans doute parce que les blogueurs bd « historiques », de la première génération (Boulet, Frantico, Mélaka, Cha, Laurel…) ont donné un élan qui s’est poursuivi. Mais l’humour graphique n’est pas un exercice facile, pourtant, et si j’ai choisi de parler de Monsieur le chien et de son blog aujourd’hui, c’est que j’ai toujours été surpris par l’originalité de son humour, violemment voire vulgairement provocateur, et toujours inattendu.

Essor d’un blog à succès


En août 2005, un nouveau blog, un de plus, oui, apparaît sur la toile. Son auteur n’est pas un dessinateur célèbre, mais un simple internaute qui se présente comme un fonctionnaire et un contribuable moyen. Les premiers strips s’enchaînent à un rythme presque quotidien et lentement, un univers se met en place : Monsieur le chien, car c’est son nom, présente au lecteur ses réflexions personnelles sur des sujets variés, (dont le fonctionnariat) réflexions que lui-même qualifie de « vaines et sans sans fondement ». Et puis, au fil des strips, un véritable univers se met en place, avec ses personnages : MLC, l’avatar de l’auteur, antihéros notoire, obsédé par le sexe, ses amis du CHIBRES, sa femme Hélène, leurs enfants, l’éditeur Wandrille, mais aussi Shroubb, une raclette mutante dont le succès fou auprès des femmes ne fait qu’accentuer le désarroi du héros. D’autres rubriques se font jour, MLC révélant peu à peu sa personnalité, et notamment son goût prononcé pour les publicités ringardes et les clichés narratifs. Et puis l’humour et les idées de MLC, une autodérision politiquement incorrecte (poujadiste et réactionnaire, se définit-il lui-même) fait mouche dans une blogosphère où les surprises restent assez rares en matière d’humour.
En l’espace de quelques mois, le blog de MLC trouve son rythme de croisière et son public, public fidèle que le dessinateur n’hésite pas à interpeler, créant ainsi une relation particulière avec les internautes qui le suivent. Les commentaires font partie du jeu du blog, évidemment, mais certaines planches sont directement dédiés à l’un ou à l’autre, ou encore un lecteur est inclu dans la planche… MLC reçoit de nombreux fanarts qu’il publie régulièrement comme autant de trophées. Il invite aussi ses lecteurs à des rencontres IRL avec les membres du CHIBRES, qu’il a fondé, (un club très particulier que je vous laisse découvrir dans cette planche). Lien d’autant mieux entretenus que MLC est un habitué des séances de dédicaces du festiblog, présent dès la première édition en 2005.
Tous les ingrédients d’un bon blog bd sont réunis dans le blog de MLC : des personnages et un univers récurrents, un humour efficace et original, une régularité de publication, un lien fort avec le public… Le blog de MLC est à mi-chemin entre le webcomic, aux strips réguliers, et la page personnelle où l’auteur se dévoile. En pleine gloire, MLC décide de ralentir le rythme de son blog à partir de 2008 et surtout de 2009.

De « l’album du blog » à l’album sans le blog


Monsieur le chien n’est pas, quand il commence son blog, un dessinateur professionnel et son passage progressif du statut de blogueur bd à celui de dessinateur de bande dessinée serait une sorte de cas d’école de l’impact du phénomène des blogs bd sur le marché de la BD, par l’arrivée d’une nouvelle génération qui n’aurait jamais vu le jour sans internet.
En effet, la publication de ses trois albums présente une évolution du mode traditionnel d’édition des blogueurs : « l’album du blog » (ce mode étant généralement le moins réussi), à un véritable album complètement autonome du blog. Un effort qui doit être souligné lorsque certains blogueurs n’ont pas encore dépassé le stade de l’album du blog. Petite démonstration en trois temps.
Le premier album publié par MLC est Paris est une mélopée. Nous sommes en 2007, le phénomène des blogs bd bat son plein. Rien d’étonnant donc, que le blog de MLC, encore dessinateur amateur, voit son blog publié chez un petit éditeur, Théloma, crée en 2004 (et dont l’activité stagne depuis 2008, d’ailleurs). L’album reprend une sélection de planches du blog, redessinées, et plusieurs planches inédites. Jusque là, inscription dans la démarche traditionnel du blogueur, puisque, depuis que Frantico/Lewis Trondheim et Wandrille ait largement lancé le mouvement en 2004-2005, l’édition papier de blogs bd a largement commencé. Les exemples se pressent, ne serait-ce que pour cette année 2007, qui voit Souillon vient publier le premier tome de son webcomic Maliki chez Ankama, Martin Vidberg Le journal d’un remplaçant chez Delcourt et Kek Virginie chez le même Delcourt.
Nouvelle année, nouveau projet, mais toujours en partie liée à l’univers des blogs bd. Les éditions Warum co-fondée par le dessinateur-blogueur-éditeur Wandrille, rappelons-le, poursuivent une politique de recherche de jeunes talents parmi les blogueurs bd, politique qui se traduit notamment par le concours Révélation blog () ou par l’édition d’album de Gad, Aseyn, Lommsek, ou encore par l’édition du célèbre blog de Laurel en 2009. Rien d’étonnant, donc, de retrouver au catalogue MLC pour son second album, Homme qui pleure et Walkyries, en septembre 2008 ; il prend place au sein du label grand public de l’éditeur. Un album intermédiaire entre l’album du blog précédent et des créations autonomes. Pourquoi intermédiaire ? Car MLC n’y reprend pas de planches de blog, mais invente de toutes pièces un album inédit pour ses fidèles lecteurs. Mais dans le même temps, il reprend dans cet album le principe des séquences faussement pédagogiques sur un thème donné. Dans Homme qui pleure se déclinent ainsi différents chapitres avec comme fil directeur un pretexte dans la veine absurde du dessinateur : d’aguichantes walkyries demandent à MLC de rédiger un manuel de séduction moderne en BD. Suivent donc des chapitres « se marier hors de la tribu », « lire les signes », « tuer le père » qui reprennent, dans leur forme, en les étendant, les planches publiées sur le blog ; des personnages familiers reviennent également (MLC, sa femme Hélène, ses amis du Chibres, etc. ).
Mais avec Fereüs, fils de la colère publié en 2009 chez Makaka éditions, MLC franchit un nouveau cap, puisqu’il s’agit non seulement d’un album complètement inédit, mais détaché des thématiques du blog. Fereüs raconte l’aventure épique d’un héros choisi pour lutter contre une invasion de morts-vivants menés par l’ignoble Sqol Grafesh. Une parodie d’heroïc-fantasy qui n’empêche pas MLC de conserver le même humour efficace du blog. Cette nouvelle publication est encore liée à l’univers des blogs bd puisque Makaka éditions est la maison fondée en 2007 par les responsables du site 30joursdebd qui s’attache à faire connaître des dessinateurs en proposant à la lecture une nouvelle planche par jour. MLC s’est déjà lié à ce groupe : il participe à un de leur collectif en 2007 et fait partie des auteurs réguliers du site. Le projet Fereüs est d’autant plus lié à Internet qu’il bénéficie d’une pré-publication en ligne, en accès gratuit, des 30 premières planches sur le site http://www.filsdelacolere.com/. MLC a également fréquenté un autre espace important de la BD en ligne, le portail Lapin, pour une planche en « guest star ».
Qu’en est-il des projets de MLC en 2010 ? Sur une interview donnée à l’occasion du festiblog 2010, il avoue ne se sentir pour le moment que dans une phase de semi-professionnalisation : il n’a publié que chez de petits éditeurs et n’est pas parvenu à entrer à Fluide Glacial malgré le soutien de Marcel Gotlib. Quelques projets sont toutefois en préparation, dont un à venir aux éditions Carabas. En espèrant que ces projets se concretiseront et que la carrière de MLC ne fait que commencer…

Clichés et ringardises

Le blog est aussi, pour son auteur lorsqu’il est amateur, un espace d’entraînement et d’amélioration du dessin. C’est un des caractères du blog de MLC : les premiers dessins sont encore assez rudimentaires au niveau du trait et de la narration et le style de MLC s’affirme progressivement, vers une plus grande complexité. La virtuosité du trait n’est pas ce que recherche MLC : il suffit qu’il soit facilement lisible ; de simples représentations de personnages, il passe à des décors de plus complexes, jusqu’à l’ambiance pseudo-médiévale de Fereüs.
Mais c’est surtout son humour et son sens de la narration qui se précisent. MLC part du principe de la planche-séquence où, sur un sujet donné, se succèdent des cases illustrant le récitatif de l’auteur, dans un style faussement pédagogique. Le récitatif en question sert de fil conducteur aux courtes séquences en images : c’est le principe du manuel que nous présente MLC dans Homme qui pleure et Walkyries, manuel d’amour à l’usage du dieu Wotan. Le principe est mis à l’honneur, dès les années 1960, dans les Dingodossiers ou plus tard la Rubrique-à-brac de Gotlib dont l’auteur est friand, puis souvent repris par d’autres dessinateurs humoristes puisqu’il permet généralement un second degré en opposant le commentaire prétendument sérieux et l’image qui, elle, l’est beaucoup moins. Voilà pour la construction du gag chez MLC. Elle varie par la suite dans des récits plus narratifs, sans récitatif : c’est le cas de Fereüs où le narrateur n’intervient qu’au début pour présenter l’intrigue puis s’écarte au profit des personnages.
Et quel est donc cet humour dont MLC a le secret ? C’est sans doute là la principale force de ses travaux. On retrouve bien sûr le principe fondateur, là aussi très gotlibien, mais pas seulement, de la parodie, comme dans ce croisement improbable entre le surfer d’argent et les Schroumpfs. Prendre une référence et la tordre en la forçant à cohabiter avec une autre référence, principe vieux comme le monde de l’humour. MLC recherche dans ses gags l’absurde le plus puissant et l’outrance où, naturellement, la violence et le sexe trouvent leur place comme signes de transgression. L’humour est acide dans cet épisode méconnu de Dora l’exploratrice.
Mais ce qui le démarque de beaucoup d’autres blogs bd d’humour est la recherche constante du non-conformisme des idées, des références employées, de l’humour choisi. Je laisse de côté les idées et me concentre sur l’humour. Le ringard est un des principes centraux de l’humour MLCien, se retrouve aussi dans les noms employés, noms de personnages ou de lieu dont la sonorité suffit à déclencher le rire (enfin… dans mon cas, en tout cas) ; ainsi faut-il saluer la riante introduction de Homme qui pleure qui se situe dans la ville de Vesoul et voit la pendaison de supporters du F.C. Sedan. Autre principe qui se marie à merveille avec la parodie : le cliché. Il fait pour cela appel à sa connaissance des comics et romans-photos kitchs des années 1960 et 1970. Les phrases convenues y sont légion et offrent de délicieux dialogues pour les récits de MLC. Le cliché ne vaut, bien évidemment, que s’il est détourné. Fereüs est plein de ces clichés que nous servent les auteurs d’heroïc-fantasy, ce qui le situe juste à la limite entre la parodie et la série B… Je vous laisse en découvrir quelques uns en lisant les premières planches de cet album, encore en ligne.

Bibliographie et webographie :
Paris est une mélopée, Théloma, 2007
Homme qui pleure et Walkyries, Warum, 2008
Fereüs le fléau, Makaka, 2009
Le site de MLC : http://www.monsieur-le-chien.fr/
Le site de Fereüs : http://www.filsdelacolere.com/
Lire des planches de MLC sur 30joursdebd
Interview sur le site du festiblog
Présentation sur le site de Warum
Site de Makaka éditions

Notes pour une histoire de la bande dessinée en ligne

D’abord, quelques nouvelles des évolutions toutes récentes et importantes en matière de BD sur internet :
Thierry Groensteen, spécialiste de la bande dessinée et de son histoire, a ouvert un blog disponible sur le site de la CIBDI sous le nom de Neuf et demi. Il y livre des réflexions personnelles sur la bande dessinée qui viennent éclairer sous un autre jour la passion qui anime ce travailleur acharné dont le site, au sein de celui des éditions de l’an 2, http://editionsdelan2.com/groensteen/, présente l’étendue de ses recherches et de ses ouvrages. J’en profite aussi pour signaler aux poitevins qu’une exposition se tient jusqu’au 27 février à la Médiathèque François Mitterrand sur le parcours de Thierry Groensteen. Je n’ai malheureusement pas encore pu la voir, mais ce programme a l’air fort alléchant !
Plus proche du sujet qui nous occupe aujourd’hui, l’association Pilmix son site http://www.pilmix.org/ (une BD de présentation conçue par les fondateurs à lire juste en-dessous). Elle se donne pour but de réfléchir sur la bande dessinée numérique, la soutenir, la faire connaître, et l’améliorer. Il y a encore beaucoup à construire, mais ce début d’année 2010 apparaît comme une date importante pour la BD numérique : Manolosanctis a crée un observatoire de la BD numérique, qui se donne pour but d’effectuer une veille dans le domaine (http://www.observatoire-bd-numerique.com/).

Après avoir lu chez Julien Falgas un compte-rendu de la place de la BD numérique à Angoulême (http://blog.abdel-inn.com/), j’approuve sa conclusion : s’il est bien que les médias s’intéressent à la BD numérique, il est dommage qu’ils occultent les réelles évolutions datant d’avant les blogsbd, phénomène certes médiatique, mais non unique. J’aimerais donc, dans cet article, rétablir quelques vérités historiques sur l’évolution de la BD numérique. Mon regard est celui d’un historien de la bande dessinée qui a la chance d’assister à la naissance de « quelque chose » de nouveau dans ce secteur. Je dis « quelque chose » car la BD numérique reste en grande partie à construire, et son évolution, dans les années qui vont suivre, pourra être décisive de la place qu’elle finira par prendre dans le monde de la bande dessinée. Je suis donc tout ça à la fois en tant que spectateur passionné et en tant qu’historien sensible aux évolutions annonciatrices de l’avenir. Or, affirmons-le, pour comprendre l’avenir, il convient de revenir sur le passé de la création de bande dessinée sur internet…

La bande dessinée numérique au début des années 2000
L’idée de créer des bandes dessinées en ligne est né chez des précurseurs anglo-saxons : les Etats-Unis connaissent, à partir de 1985 et surtout dans les années 1990, un mouvement dans ce sens. De nombreux webcomics sont mis sur le réseau, pour l’essentiel des fictions ; dans la foulée naissent les portails de webcomics et une économie de la BD en ligne se développe. Autre aspect essentiel du début des années 2000 : Scott McCloud, dessinateur et théoricien du médium, publie son Reinventing comics dans lequel il soutient la BD en ligne en théorisant l’idée d’infinite canvas qui veut que le support numérique fait éclater l’espace de la page et amplifie les potentialités de la narration séquentielle (auteur dont je ne cesse de parler dans d’autres articles, mais il est toujours bon de le rappeler, http://scottmccloud.com/…). L’oeuvre de McCloud me semble essentielle en ce qu’elle théorise l’idée de création originale (et non plus de seule mise en ligne) de BD sur Internet, prouvant que ce nouveau média peut être source d’innovation pour des dessinateurs.
Je résume pour mémoire à grands traits l’évolution d’Internet comme moyen de communication : les premiers grands réseaux apparaissent aux Etats-Unis au milieu des années 1985, d’abord utilisés principalement pour la communication des entreprises et des universités. L’invention du lien hypertexte en 1991 est souvent vu comme le coup d’envoi mondial de l’ouverture à un public beaucoup plus large et l’apparition de nouvelles habitudes domestiques. Ce qui nous intéresse ici est de savoir que la France connaît un retard de la diffusion d’internet dans les foyers durant les années 1990 ; ce retard est imputé, entre autre chose, au succès précédent du minitel qui ralentit l’arrivée d’Internet dont le véritable boum ne se produit en France que dans les années 2000.

Ce rappel pour expliquer pourquoi la bande dessinée en ligne ne se développe que plus tardivement en France, à un moment où les Etats-Unis sont en avance, tant du point de vue créatif que théorique. L’autre raison souvent invoquée est que, contrairement à un secteur du comics en pleine crise, le marché de la bande dessinée papier francophone des années 1990-2000 est suffisamment dynamique pour qu’il n’y ait pas d’attentes concernant Internet. Il faut donc attendre la toute fin des années 1990 pour que la BD en ligne connaissent ses premiers développements sur le web francophone. Deux directions sont prises. La première est celle de la bande dessinée interactive, c’est-à-dire une bande dessinée sur laquelle le lecteur peut agir, et qui intègre du son ou de l’animation ; un genre à la frontière du jeu vidéo, du dessin animé et de la bande dessinée qui n’est pas substantiellement lié à internet mais qui y prend racine. L’apport de la technologie d’animation flash (http://fr.wikipedia.org/wiki/Adobe_Flash) permet des expérimentations nouvelles. La série John Lecrocheur (Jérôme Mouscadet et Gallien Guilbert) qui naît en 1999 en est un exemple qui attire l’attention de l’éditeur Dupuis qui y investit de l’argent, jusqu’à ce que la société I/O Interactif, en charge de John Lecrocheur, disparaisse. Il s’agissait d’une série innovante présente sur Internet où le clic du lecteur fait avancer le récit, et qui intègre son et animation (plus d’infos dans cet article).
L’autre direction, plus pérenne, est l’apparition de sites et de portails se chargeant de diffuser des bandes dessinées en ligne, généralement l’oeuvre d’auteurs amateurs. C’est le cas dans un premier temps du site Coconino World (http://www.coconino-world.com/) qui s’ouvre en 1999 et permet à de jeunes dessinateurs venus des formations d’Angoulême d’être publiés en ligne (Coconino World est liée à Thierry Smolderen, professeur à Angoulême). L’année 2000 voit le lancement, à l’initiative de Julien Falgas, d’un annuaire de BD en ligne qui prend en 2002 le nom d’Abdel-INN (http://www.bd-en-ligne.fr/stories). Il se donne pour but de rassembler les projets de webcomics français existants. Il ne s’agit pas d’édition en ligne, bien sûr, mais ce type de sites est essentiel au sein d’un média tel qu’Internet dont le fonctionnement est basé sur l’accès le plus efficace possible aux données du réseau. Une bande dessinée en ligne ne peut exister qu’à travers les portails qui en réunissent les auteurs.
Car en effet, dans les années 2000, plusieurs webcomics apparaissent. Le comic strip en ligne Lapin, toujours en publication au rythme d’un strip par jour, est crée en 2000 et son créateur, Phiip, s’engage pour la développement de la bande dessinée en ligne en lançant en 2001 le portail Lapin qui héberge des BD en ligne. Le portail Lapin (http://www.lapin.org/) tente aussi de faire connaître la production anglo-saxonne en la traduisant, dont deux célèbres webcomics, Les céréales du dimanche matin (http://cereales.lapin.org/index.php) et Red meat (http://redmeat.lapin.org/). Des projets de webcomics français naissent sur la toile, hors ou au sein de ces portails, parfois prenant la forme de webzine, parfois prenant la forme de blogs. (sur la création du portail Lapin)
L’une des caractéristiques de cette première production est bien sûr sa gratuité d’accès, l’une des bases de la création sur Internet pendant la première moitié des années 2000. L’autre, contrepartie logique, est son aspect encore amateur, puisque les dessinateurs qui y participent ne sont pas des professionnels, même si certains aspirent à se professionnaliser. Outre les BD en flash, beaucoup de ces webcomics sont des scan de planches réalisées sur papier, parfois retouchée par ordinateur. Le terme d’édition en ligne ne correspond pas exactement au modèle de l’édition traditionnelle et certains sites, comme webcomics.fr (lancé en 2007), se définissent avant tout comme des hébergeurs, qui ne gèrent pas les questions de droits d’auteur mais servent de tremplin à la création en ligne. Dans la seconde moitié des années 2000 apparaissent de véritables maisons d’édition qui, souvent font à la fois un travail d’éditeur en ligne et d’éditeur papier. Le lancement en 2005 par Phiip des Editions Lapin, maison d’édition pour vendre en albums papier les auteurs présents sur Internet, est un exemple de cette importante évolution. Une dernière caractéristique qui me semble intéressante est que cette BD en ligne française se sert d’Internet essentiellement comme d’une plate-forme de diffusion et ne l’interprètent pas encore comme un outil de création innovant. Il est manifeste, cependant, que la première moitié des années 2000 a vu apparaître sur Internet des acteurs précurseurs qui sont toujours présents en cette fin de décennie, ainsi qu’une communauté d’utilisateurs. Depuis 2000, Julien Falgas mène sur son blog une réflexion personnelle sur la BD numérique, qu’il met à profit sur Abdel-INN par les auteurs qu’il y promeut. Ces projets de BD en ligne, tout comme certains qui les suivront, se rattachent bien souvent au concept de « communauté internet » régis par les principes suivants : tout le monde peut présenter son travail sans sélection préalable et le lecteur est aussi commentateur voire « améliorateur » (le néologisme n’est pas idéal…) de l’oeuvre proposée.

Les premiers blogs bd français et la bande dessinée numérique

La bande dessinée en ligne existait donc avant qu’en 2004 et surtout 2005, n’ait lieu la vague de création de blogs bd qui, grâce à sa notoriété et sa visibilité très rapidement acquises dans la presse spécialisée ou non et au sein d’institutions comme le FIBD, a attiré l’attention du public sur la bande dessinée sur internet. Or, il y a là une confusion à éviter et qui consisterait à dire que la forme du blog bd a été l’avènement de la bande dessinée sur internet, exception française notable par rapport au modèle anglo-saxon du webcomic. C’est en partie faux (je dis « faux » du point de vue de l’évolution historique, des relations de cause à effets qui provoquent les évolutions culturelles). La première raison, je l’ai énoncée : l’existence d’une bande dessinée en ligne, certes encore amateure, au début des années 2000. La seconde raison est qu’il n’y a pas, nécessairement, de relation entre les blogs bd et la bd en ligne, même si l’évolution de la blogosphère bd a conduit à un rapprochement entre les deux. Je m’en explique.
Dans son statut initial, le blog bd appartient d’abord au registre de la communication plutôt que de la création, par rapport au webcomic qui se présente d’emblée comme une fiction. Le blog bd est « blog » avant d’être bd, c’est-à-dire un espace où un dessinateur présente ses projets, son humeur, en choisissant le dessin séquentiel comme mode de dialogue avec ses amis et ses fans. D’ailleurs, les premiers blogs bd connus et présentés par la critique (ou édité en album) sont l’oeuvre de dessinateurs et illustrateurs déjà professionnels pour qui la blogosphère a constitué un tremplin davantage qu’une rampe de lancement (Laurel et Cha, Boulet et sa bande, Obion, Guillaume Long, Pénélope Jolicoeur…) ; le phénomène des blogs bd, c’est aussi l’arrivée de professionnels sur un créneau où dominaient jusque là les amateurs. Certes, le blog bd peut être conçu comme une forme très amateure d’auto-édition en ligne. Mais le webcomic se différencie du blog en ce qu’il est une fiction (ou à la rigueur une autofiction) et qu’il se présente souvent à son public comme un rendez-vous régulier, avec des personnages et un style récurrents. Ce qui se passe, dans ces années 2004-2006, et qui est d’autant plus intéressant, c’est qu’une zone intermédiaire se formé entre d’un côté le blog bd-outil de communication et le webcomic-outil de création. Cette zone intermédiaire est nourrie soit par le choix du format blog utilisé, par facilité, pour publier des webcomics au lieu de vrais sites, soit par des fausses autofictions dont la fortune critique et matérielle est connue lorsqu’elles sont publiées en album : le blog de Frantico de Lewis Trondheim en 2005, le blog d’une grosse de Gally en 2008 (prix du public au FIBD), Chicou-Chicou en 2008… Là est la véritable particularité française dans la création de BD en ligne.
Autre remarque qui a son importance : les blogueurs bd restent attachés à la publication papier et il n’y a pas de systématisme qui voudrait qu’un blogueur bd se tourne, pour être publié, vers l’édition en ligne. On voit en quelque sorte réapparaître le systême de la prépublication qui avait fait le succès de la BD franco-belge des années 1950-1960, sauf que la revue est remplacée par le blog bd ou le webcomic ; mais l’album demeure un but indétrônable. Même, on pourrait se dire que les jeunes auteurs non encore publiés se tournent d’abord vers l’édition en ligne ; mais il existe des contre-exemples comme M. le chien, connu grâce à son blog mais qui publie son premier album, Paris est une mélopée, sur papier.
Un site comme 30joursdebd, fondé par Shuky et Karine en 2007 (un historique ici) se présente comme une passerelle entre les blogueurs bd et une forme d’édition en ligne qui vise explicitement à se faire remarquer par des éditeurs et qui prend appui sur les liens entre blogueurs. Makaka éditions est là encore la structure éditoriale d’appui du site. On y trouve davantage de blogueurs bd qui, alors qu’ils publient presque exclusivement des « anecdotes de vie » sur leur blog, propose ici des fictions.

Cet article a été réalisé à partir de ces sources que je vous invite à consulter pour en savoir plus :
Jean-Noël Jeanneney, Une histoire des médias, 2001
http://en.wikipedia.org/wiki/Webcomic
http://fr.wikipedia.org/wiki/Webcomics
http://blog.abdel-inn.com/

Parcours de blogueur : Aseyn

Ce n’est pas le hasard qui me pousse à m’intéresser au blogueur Aseyn mais tout au contraire la parution de son (presque) premier album dans le label grand public Vraoum des éditions Warum, Abigail. Album intéressant à plus d’un titre, et d’abord par son contexte de publication puisqu’il s’agit du premier album généré par le concours Révélation blog que j’évoquais pas plus tard d’il y a quelques semaines (Révélation blog 2010), et dont on attend encore le nom du gagnant de cette année. En plus de revenir sur le parcours d’Aseyn, je m’attarderai donc sur Abigail, disponible en librairie depuis le 15 janvier, enfant de l’alliance des blogs bd et d’un éditeur attentif aux jeunes talents.

Graphisme blogosphèrique

Aseyn suit une formation d’illustrateur à l’Ecole Estienne à Paris, célèbre école parisienne formant à différents métiers des arts graphiques et de l’industrie du livre (pour l’anecdote, cette école a vu passer d’autres dessinateurs dont Siné et Cabu). Il devient donc officiellement graphiste free-lance et, comme de nombreux autres illustrateurs, profite des possibilités d’internet pour se faire connaître et développer son goût pour le dessin. En compagnie de quelques autres dessinateurs, blogueurs pour quelques un d’entre eux, (dont Singeon, Ak, Piano, Pipof…) il crée en 2004 sur la plateforme 20six qui a vu naître tant de blogs le Club Yaourt, blog collectif dessiné, proche en cela d’autres projets qui voient le jour en même temps comme le blog Damned (http://www.blogdamned.com/). Si Damned est toujours actif, le club yaourt cesse son activité et, en 2007, Aseyn ouvre son blog personnel (http://aseyn.canalblog.com/).
Aseyn se fait une place dans l’univers des blogs bd et leur sociabilité, se rapprochant d’autres dessinateurs comme ses anciens camarades du Club Yaourt (Singeon, Ak…) ou encore Goretta ou Clotka et Goupil Acnéique de Damned. Il est présent aux grands évènements de la vie bloguesque : il dédicace régulièrement au festiblog, participe aux 24h de la bande dessinée, publie chez Danger Public un « Miniblog », l’éphèmère collection interactive dirigée par la blogueuse Gally en 2006-2007, album intitulé Palavas cowboy.

Le blog que tient actuellement d’Aseyn est davantage un carnet de croquis ouvert aux internautes. Pas d’anecdotes de vie, mais un grand nombre d’essais variés et parfois éphémères et de croquis sur le vif, souvent surmontés de titres étranges voire absurdes. Mais le blog n’est qu’une petit partie de sa présence réelle sur internet puisque Aseyn tire parti à sa façon de cet outil dont il se sert comme d’un artbook permanent et gratuit lui servant à exposer au public non seulement ses travaux, y compris dans une phase qui se rapproche davantage de la recherche graphique que du dessin abouti ; des dessins qui donnent le sentiment vivant d’une oeuvre en train de se faire (une tendance qui me fait penser à certaines publications de Blutch, à mi-chemin entre le carnet de croquis personnel et l’album de bande dessinée). Dans cet esprit trouvera-t-on des thèmes récurrents, comme un grand nombre de portraits instantanés et de représentations de paysages urbains au cadrage photographique. Son site internet, http://aseyn.free.fr/ rassemble une sélection de ses travaux depuis 2002. Un très grand nombre de ses dessins peuvent se trouver sur la toile, quand on sait les chercher, dont certains sous un autre nom qu’Aseyn (je ne vous donne pas ici volontairement toutes les adresses !).
Une particularité de son travail, du moins tel qu’il m’est apparu sur internet, est dans un goût pour les expérimentations et la diversification des techniques graphiques. Une tendance qui, déjà, se lit très nettement sur le blog où il mêle dessin à l’encre et aquarelle ou gouache, noir et blanc et couleur, dessin narratif et études de perspectives, en passant par des photographies et des images animées… On comprend ici son travail de graphiste où tout est pretexte à produire et interpréter une image, à la retourner en variant les techniques et les angles d’attaque. La cohérence d’Aseyn, de son blog et de son site, se trouve dans cette impression d’une création perpétuelle d’images qui, en plus, sont esthétiquement réussies, ce qui n’enlève rien. Dans le maquis de sa maîtrise des techniques graphiques, de sa perception de l’image sous toutes ses formes, la BD n’est alors qu’une parcelle, une déclinaison possible mais à laquelle Aseyn n’a pas manqué de se consacrer.
Il faut donc, pour bien apprécier son travail, se partager entre internet, lieu d’expérimentation et de mise en relation avec d’autres dessinateurs, et des projets papier divers.

Révélation et publication

Dans le même temps qu’il s’étend sur la toile, Aseyn participe à plusieurs projets éditoriaux qui le font connaître. J’ai déjà parlé du « miniblog » en 2007 ; beaucoup de ses travaux sont en effet liées à la sociabilité née via la blogosphère. Il crée en 2006 avec les anciens du Club Yaourt un fanzine éphémère, Les Gençaves. Il participe également à plusieurs ouvrages collectifs avec des blogueurs et des non-blogueurs, comme par exemple Myxomatose, aux éditions Myxoxymore en 2006, Gaza chez La boîte à bulles en 2009 ou, plus récemment encore, le Tribute to Popeye des éditions Charrette où l’on retrouve d’autres noms de la blogosphère, entre autres Obion et Ak mais aussi d’autres dessinateurs qui réinterprètent l’univers du célèbre marin qui fêtait l’année dernière ses 80 ans. Ces mêmes éditions Charrette vont d’ailleurs publier en mars prochain un artbook d’Aseyn rassemblant certains de ses dessins des années 2003-2009.
Mais le projet qui m’intéresse encore davantage puisqu’il montre les passerelles que le monde de la création graphique sur internet n’a pas manqué de créer avec celui de la publication papier, c’est bien sûr l’album Abigail que je vais commenter dans quelques lignes. Aseyn est en effet le vainqueur du premier concours révélation blog, lancé en 2007 et remis lors du festival d’Angoulême 2008. Rappelons brièvement le principe de ce concours : il s’agissait pour des blogueurs n’ayant pas encore publiés d’album de concourir pour le « prix du blog » qui permettrait au lauréat de publier un projet chez l’éditeur Warum (maison d’édition co-fondée par le blogueur Wandrille qui vous est familière si vous lisez ce blog). Aseyn ayant remporté l’édition 2008, l’album en question sort, avec un peu de retard, en ce mois de janvier 2010. Pour information, la sortie de l’album du gagnant 2009, Lommsek, est prévue pour le mois de février et il s’intitulera La ligne zéro (dont je ne manquerai pas de vous en parler en temps voulu).

Abigail, une certaine vision des super héros
Venons-en donc à ce qui peut être considéré comme le premier album personnel d’Aseyn, Abigail, publié aux éditions Warum, dans leur label grand public Vraoum (dans la collection Heromytho où l’on trouve aussi Le mauvais oeil de Gad, pour ceux qui suivent attentivement le blog, puisque j’en parle dans cet article). L’histoire raconte une mésaventure d’un super héros atypique nommé Edward qui reçut son super pouvoir (voler dans les airs) à la suite d’un concours organisé par la société Superboy qui publie les aventures du super héros qui lui donne son nom. Or, au début de l’histoire, ce super héros positivement minuscule se fait larguer par sa copine Abigail qui part pour la Scandinavie. Les deux amoureux se retrouveront après une âpre lutte contre un adversaire d’Edward avide de vengeance. Ce personnage de petit super héros maladroit mais plein de bonne volonté, Aseyn l’avait déjà en partie développé sur son blog au cours du mois de janvier 2008 dans une autre aventure plus brève. Peut-être doit-on deviner qu’il ne s’agit donc que du premier volume d’une série d’aventures d’Edward, le héros super.
Ainsi suggéré, le scénario ne paraît pas forcément engageant, je l’avoue… C’est que Abigail n’est pas ce qu’il semble être, une simple parodie d’aventure superhéroïques. A bien y regarder, l’art d’Aseyn est plein de subtilité qui rendent son récit passionnant.
La tonalité parodique est évidente : l’histoire s’ancre pleinement dans le monde des super héros américains ; Edward habite à Baltimore, possède un super pouvoir somme toute assez classique, et connaît par coeur toute les aventures de son mentor Superboy. Aseyn pousse le réalisme jusqu’à mêler à son histoire de vraies-fausses planches du comics Superboy qui apparaît ici comme un mythe. Déjà, par cette insertion qui place le lecteur dans un univers cohérent, notre dessinateur enrichit son propos. L’humour proposé n’est pas seulement parodique et référentiel, il se teinte d’une étrangeté absurde qui participe à l’ambiance (voir les hommes de main du méchant, créatures indéfinissables, colosses blancs dont les dialogues très terre à terre sont savoureux). Surtout, l’humour n’empêche pas l’aventure de se dérouler, avec un grand A, et son lot de péripéties, de temps forts, de bagarres titanesques et de sauvetages in extremis.
C’est, au-delà du scénario, par des qualités graphiques qu’Aseyn perfectionne son histoire. Car pour moi, le décalage le plus grand ne vient de l’insertion de l’humour dans une aventure de super héros, mais de l’utilisation d’un graphisme à l’opposée de l’hyperréalisme aux couleurs chatoyantes et à la narration musclée qui est celui des comics américains (et les vraies-fausses planches de Superboy sont là pour montrer ce décalage). Ici, le trait rappelle davantage certains auteurs français : un trait libre qui ignore les contraintes de la case et n’a pas peur de mêler décor réaliste et personnage qui ne le sont pas. L’autre élément qui fixe l’ambiance est le travail sur la couleur qui, dans Abigail, m’a impressionné (Singeon, semble-t-il, a collaboré avec l’auteur pour la couleur). Aseyn privilégie les ocres et des couleurs peu tranchées, assez veloutées, hésitant sans cesse entre le jaune et le marron, le bleu et le vert, le blanc et le gris ; autant de teintes qui définissent l’ambiance de chaque case.
Enfin, pour qui connaît son blog, on retrouve des caractères propres au style polymorphe d’Aseyn comme l’obsession d’espaces urbains figés et réalistes qui sont ici complétés par des paysages plus exotiques, sur fond de neige. Le décor tient une place importante dans cet album, comme si les croquis d’après nature du web (bâtiments silencieux, grands espaces presque vides, tuyauterie industrielle mal identifiable) avaient trouvé leur destination en se peuplant des héros de l’aventure…

Bibliographie et webographie :
http://aseyn.canalblog.com/
http://aseyn.free.fr/
http://clubyaourt.20six.fr/ (désormais fermé)
Biographie d’Aseyn sur le site de Warum
Interview pour le concours révélation blog 2008
Les Gençaves, (fanzine : 2 numéros), 2006
Myxomatose, (collectif), Myxoxymore, 2006
Palavas com-boy, Danger public, septembre 2007
Gaza, La boîte à bulles, février 2009
Tribute to Popeye, (collectif), Charrette éditions, novembre 2009
Abigail, Warum, janvier 2010, dont on peut lire les 18 premières pages gratuitement sur digibidi
Aseyn, 2003-2009, Charrette éditions, mars 2010

Parcours de blogueur : Gad et le blog Ultimex

Avant de commencer à vous parler du blogueur du jour, Gad, quelques informations toutes fraîches sur la BD en ligne.
Les résultats du concours Révélation blog que j’évoquais il y a peu dans cet article (lien) sont tombés le 11. Les trois lauréats, sélectionnés par les votes du public et le choix du jury sur les trente blogs bd sélectionnés sont donc le Blog de Martin (http://www.monkeyworst.blogspot.com/ ), le Lillablog (http://lillablog.over-blog.com/ ) et le Yodablog (http://www.yodablog.net/ ). Le 29 janvier, lors du festival d’Angoulême, sera choisi parmi ces trois finalistes le blogueur qui pourra éditer son album chez Vraoum. Je vous laisse consulter ces trois blogs bd aux styles très différents.
Depuis le 12 janvier, la BD en ligne s’enrichit d’une nouvelle série, The Shakers, un feuilleton policier par Fred Boot (http://www.the-shakers.net/ ). Ce dessinateur a déjà publié de nombreuses BD en ligne et Julien Falgas (http://blog.abdel-inn.com/) l’évoque dans son dernier article, expliquant comment Fred Boot utilise les potentialités de la BD numérique, notamment dans la fusion de plusieurs procédés (image narrative, graphisme pur, texte seul, musique…). Un bon exemple, donc, de ce que pourrait être une BD numérique innovante.

Le blog de Gad, aux origines d’Ultimex
Mais revenons-en au sujet qui nous occupe aujourd’hui : le blogueur Gad, indissociable de la série qui l’a fait connaître sur la toile depuis 2008, Ultimex. Car, contrairement à de nombreux blogueurs bd présentés jusque là sur ce blog, la carrière de Gad commence avant tout sur internet. Petit retour en arrière…
Gad, de son vrai nom François Gadant, commence à publier en décembre 2007 les aventures de son héros Ultimex sur le blog Lizzycool (http://lizzycool.over-blog.com), collectif d’auteurs rassemblant Gad, Karh et Thom. Pour ces jeunes auteurs, Internet est devenu un bon moyen de diffuser leurs dessins au-delà de leur fanzine Drawer’s High. Puis, dès 2008, alors que Lizzycool s’éteint doucement, Gad ouvre son propre blog dédié au personnage d’Ultimex, http://ultimex.over-blog.com. Il commence alors à publier des planches régulières de cette série ayant pour titre exact Ultimex et Steve, le faire-valoir prodige. S’enchaînent alors 6 saisons pour plus de 130 épisodes, le blog continuant encore à ce jour. Depuis avril 2009, la saison 6 inaugure d’ailleurs une nouvelle expérience, celle de l’histoire longue, alors que les saisons précédentes étaient des successions de gags courts en une planche.

Les éditions d’Ultimex : Vraoum et les éditions Lapin


Mais 2009 est aussi pour Gad l’année de l’édition papier de ses premiers albums. Comme de nombreux blogueurs bd publiés, il profite de maisons d’édition tournées vers la création graphique sur internet. Les éditions Lapin, une des premières maisons d’éditions de BD sur internet, publie fin 2008 sa participation aux 24h de la bande dessinée sous le titre Ultimex et Steve, le faire-valoir prodige. C’est cette maison qui édite son dernier album, Le duel, en septembre dernier, album qui est pour lui l’occasion de développer un récit complet de soixante pages. Mais Gad est également repéré par les éditions Warum pour figurer dans son label grand public, Vraoum. Il y publie un recueil intitulé Le mauvais oeil. Au sein de ce label, il cotoie d’autres blogueurs bd : Bastien Vives, Monsieur le Chien et bien sûr Wandrille, cofondateur de Warum. Le mauvais oeil se veut un ensemble de planches publiées sur le blog, choisies et redessinées pour pouvoir être publiables.
Gad, avec sa série Ultimex, est représentatif des dessinateurs ayant percé grâce aux blogs, partant d’une expérience limitée dans le fanzinat pour, en quelques années, parvenir à l’édition (Miss Gally, Monsieur le Chien, Aseyn, Martin Vidberg…). Autour de quelques maisons, qu’elles soient sur Internet (Lapin, Foolstrip…) ou uniquement en format papier (Warum, Diantre !, la collection Shampooing de Delcourt, Makaka éditions…), les blogueurs bd des années 2007-2009 trouvent des points d’attache et des manières de sortir du seul format du blog.

Mauvais esprit et mauvais oeil

Ultimex, sans doute, n’est pas à mettre entre toutes les mains. Série provocatrice, à l’humour souvent trash et d’un mauvais goût revendiqué, elle reste pourtant suffisamment originale dans le paysage actuel de la bande dessinée.
Les personnages, tout d’abord. Ultimex, le héros, est un homme musclé et sûr de lui ayant à la place de la tête un énorme et unique oeil. Il est prétentieux, de mauvaise foi, complètement intolérant, misogyne, mais se montre aussi incroyablement costaud, riche et collectionne les conquêtes d’un soir qui viennent enrichir son étrange vie sexuelle. Il est accompagné par son meilleur ami Steve, dont le titre de « faire-valoir prodige » n’est pas volé puisqu’il a tous les défauts qu’Ultimex n’a pas, à quoi viennent s’ajouter une naïveté malsaine et des désordres psychologiques certains. Leur duo fonctionne, comme souvent, sur cette complémentarité des rôles, Steve admirant et jalousant à la fois son ami. Leurs aventures se décomposent en plusieurs anecdotes d’une ou plusieurs planches.
Dans une interview donnée à l’occasion du festiblog 2009, Gad évoque comme influence « un univers assez désuet comme le vieux graphisme publicitaire américain, les tableaux d’Edward Hopper, les comics des années 50 ». Il y a, en effet, dans Ultimex, un trait rétro, presque maladroit, qui pourrait être sorti d’une vieille publicité où les personnages portent toujours de sordides cravates et des pantalons droits. Les codes graphiques (découpages des cases, choix des cadrages) ont eux aussi quelque chose de traditionnels. La grande force de la série est le décalage entre ce graphisme simple, qui participe d’ailleurs à l’atmosphère dérangeante de l’ensemble, et l’humour glauque dont le ressort principal est le plus souvent l’attitude explosive du héros ou de Steve, son stupide faire-valoir. Situations immorales, violence, sexe, cruauté s’imposent au lecteur qui ne peut s’empêcher de sourire. Le personnage même d’Ultimex, opposant son impeccable costume sombre et sa cravate à son énorme oeil, symbolise sans doute la monstruosité recherchée dans la série. Ultimex est une série animé d’un esprit puissant qui ébranle les bases mêmes de l’âme humaine, nous entraînant dans un monde où à peu près tout ce qui est dépourvu de moralité est permis et interrompt un monde en apparence bien rangé. On pourrait parler de série d’humour, oui, si cet humour n’était pas si noir et glauque.

Bibliographie :
http://ultimex.over-blog.com
http://www.festival-blogs-bd.com/2009/08/interview-2009-gad.html
Ultimex et Steve, le faire-valoir prodige, éditions Lapin, 2008
Ultimex, le mauvais oeil, Warum, 2009
Le duel, éditions Lapin, 2009

(Auto-)initiation à l’univers de la BD numérique

En créant sur la toile un blog de plus sur la BD, je n’avais pas imaginé, il y a quatre mois de cela, me retrouver face à un si imposant édifice : celui de la BD numérique. Alors principalement lecteur de bd papier (ce que je suis toujours, par ailleurs), j’étais venu à la bd en ligne via les blogs bd vers 2005, c’est-à-dire à peu près comme tout le monde, au moment de l’explosion du phénomène. Et déjà, ces blogs bd me paraissaient des innovations incroyables où le langage séquentiel de la bande dessinée dépassait son traditionnel rôle de narration pour entrer dans une fonction plus large de communication. Quatre ans plus tard, la BD numérique s’impose à mes yeux comme l’avant-garde innovante du média bande dessinée. Je découvre alors le retard que j’ai pu accumuler en quelques années, moi dont la maîtrise d’internet et du numérique est assez bonne, sans être celle d’un professionnel. Retour rapide sur mon propre parcours dans le maquis de la BD numérique : les blogs bd d’abord, donc, phénomène dont l’un des principaux mérites et d’avoir attiré le regard du lecteur de bd du livre à l’écran ; puis vient Scott Mc Cloud et son Reinventing comics : cet auteur américain, déjà théoricien de la BD, est l’un des premiers à se poser la question de la BD numérique et de ses opportunités ; ensuite, une familiarisation encore quelque peu distancié avec toutes les formes d’édition, d’hébergement et de publicité des blogs bd, webcomics, et autre forme de bd en ligne dont les sites Lapin, Blogsbd.fr, Webcomics.fr, Foolstrip sont, chacun dans leur domaine, des représentants ; l’interview de Yannick Lejeune m’a mis la puce à l’oreille sur l’ampleur de ceu que pouvait être les réflexions sur la BD numérique ; enfin, plus récemment, un tour du web m’a montré que ces réflexions étaient déjà largement entamées par des blogueurs, des dessinateurs, des internautes français… J’avais donc de la lecture et du temps de retard qu’il m’allait falloir rattraper…

Ce préambule un peu long et inhabituellement envahi de « je » et de « moi » pour introduire une vision de la Bd numérique, et surtout, je l’espère, des clés pour ceux qui souhaiteraient s’y intéresser plus amplement. Je commence en signalant d’emblée les sources qui m’ont servi pour réaliser cet article, et j’espère qu’ils ne m’en voudront pas de diffuser ainsi leurs réflexions (mais il m’aura semblé que les progrès de la BD numérique, pour avoir un impact, doivent être partagés).
http://blog.abdel-inn.com/ : blog de Julien Falgas, spécialiste de la Bd numérique et qui enrichit le débat par ses connaissances du secteur. Il est à l’origine de l’hébergeur Webcomics.fr.
http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/ : Sébastien Naeco, du Comptoir de la BD, site hebergé par LeMonde.fr, a livré depuis l’automne 2009 de nombreux billets sur la Bd numérique.
http://www.prisedetete.net/ : Tony, auteur d’un mémoire intitulé « Bande dessinée interactive : comment raconter une histoire ? » a travaillé en théorie et en pratique sur les potentialités de la Bd numérique.

Quelle est donc cet étrange objet que l’on nomme « Bd numérique » ?

Sur ce point, il est clair que la Bd numérique n’est pas une seule chose, est qu’il serait vain de l’isoler en une définition. Je reprends ici une phrase de Yannick Lejeune lors de la précédente interview : « Les gens ont tendance à mélanger l’outil, la bd faite avec des outils numériques qui aujourd’hui a de moins en moins de sens puisque tout le monde y vient ; la plate-forme de diffusion, diffuser par des canaux numériques ; le support de lecture, avec les bd sur téléphone qui sont de la bd numérique. Non… La plupart des bd sur support numérique, c’est pas de la bd numérique. » A l’heure actuelle, plusieurs directions sont prises dans le monde de la bande dessinée dont le point commun est d’associer bande dessinée et support numérique :
Il y a d’abord l’adaptation de bande dessinée papier traditionnelle sur des supports de lecture numérique, soit sur écran d’ordinateur, soit sur Iphone. Deux exemples : la firme Ave! Comics (montée en 2008-2009) s’est spécialisée dans l’adaptation de BD pour supports mobiles (téléphones, Ipod…). Ils ont notamment participé à Bludzee, série de strips conçus spécialement pour téléphones portables par Lewis Trondheim (http://www.ave-comics.com/?gexp=true et une interview sur Bodoï ) ; Digibidi (janvier 2009) offre aux éditeurs un espace de diffusion sur internet, le lecteur ayant soit accès à des previews gratuites, soit pouvant télécharger pour un prix modique des albums entiers. Ils assurent par exemple la diffusion d’albums des éditions Soleil ou Humanoïdes Associés (http://www.digibidi.com/ et une interview sur Bodoï ).
Il y a ensuite, et c’est une autre étape, la création originale de bd diffusées numériquement. Notre premier cas a avant tout un impact commercial : il s’agit d’éditeurs tentant de gérer la vague numérique qui s’abat sur le monde de la culture en la maîtrisant par le biais de leur catalogue papier. Mais il ne s’agit pas de création originale prenant appui sur le numérique. Certaines bd ne sont disponibles que sur internet, ou du moins, en premier lieu sur internet. Les blogs bd en sont bien sûr un exemple, mais il existe en 2009 quelques maisons d’éditions en ligne (Manolosanctis, Foolstrip…) ainsi que des hébergeurs (Webcomics.fr, 30joursdebd…).
Toutefois, une grande partie de cette création originale utilise les moyens et les codes de la bd papier. Certains blogs bd, par exemple, sont des dessins réalisés de façon traditionnelle, avec des crayons et du papier, et ensuite scannés. Et je reprends les paroles de Yannick Lejeune : quand on parle de Bd numérique, il faut avant tout distinguer le numérique comme outil de réalisation, le numérique comme vecteur et support de diffusion et le numérique comme moyen d’innovation qui permettent d’aboutir à des Bd ne pouvant se lire que sur internet…

Justement, où peux-t-on lire de la BD numérique qui ne soit pas de la simple adaptation de bd papier ?

L’un des défis que doivent relever les acteurs de la BD numérique est l’invention d’une nouvelle forme de bande dessinée. Scott McCloud (http://scottmccloud.com/), déjà, exprime cette ambition en défendant la théorie du « infinite canvas », qui affirme que, pour la bande dessinée, une page internet fait éclater les limites de taille qui s’imposent naturellement à une bd papier (elle permet, par exemple, un défilement vertical de l’image en théorie infini).
Quelques dessinateurs français ont tenté à leur manière de développer une telle approche, partant du postulat que faire de la bd publiée sur internet autorise des innovations et formes complètement nouvelles.
Tony (http://www.prisedetete.net/) soutient ainsi que la principale innovation potentielle de la bd numérique est l’invention d’une bd interactive où l’auteur prend en compte le lecteur et l’amène à agir dans la bande dessinée. Sa propre oeuvre, Prise de tête (http://www.prisedetete.net/pdt/), tient compte de ces potentialités : le lecteur doit cliquer pour faire défiler les séquences, déplacer des cadres, faire bouger sa souris pour qu’apparaissent les éléments nécessaires à la compréhension… C’est aussi autour de l’interactivité que travaille Moon sur son blog (http://lebloggirlydemoon.blogspot.com/ ) où l’histoire est racontée par l’intermédiaire des actions du lecteur sur l’image.
Mais pour le dessinateur Balak, l’interactivité n’est pas nécessairement le seul trait de la bd numérique. Il propose sur son blog des bd-diaporama à mi-chemin entre le dessin animé et la bande dessinée : le lecteur fait défiler l’histoire en cliquant et l’image initiale évolue progressivement. Le travail que fait l’oeil sur un album papier est ici assuré par la fluidité de l’application numérique. Un exemple ici : http://www.catsuka.com/interf/tmp/bdnumerik_by_balak.html et d’autres sur son blog.

Et quel est l’état actuel de ce vaste secteur encore en cours de définition qu’est le Bd numérique, en France ?
Je vais ici laisser la parole à des connaisseurs du secteur qui ont déjà donné leur avis. Julien Falgas, par exemple, fait remarquer le retard pris par la France dans ce domaine. Dans un récent billet (2 janvier 2010), il présente la situation ainsi : « Or les professionnels de la BD francophone abordent le numérique avec des années de retard par rapport aux anglophones et aux asiatiques. Cette prise de conscience récente prend place dans un contexte marqué par de très fortes particularités par rapport aux marchés étrangers :
prédominance du blog BD,
bonne santé du secteur traditionnel (le livre),
attentisme des auteurs quant aux modèles que proposeront les acteurs traditionnels (éditeurs).
Rappelons qu’un Eisner Award récompense le meilleur webcomic depuis 2005. Chez nous, le blog BD n’est récompensé depuis 2007 que sous l’angle de la « révélation »… ».
Je vous laisse relire un précédent article réalisé par Julien Falgas dans le cadre d’une interview en septembre dernier, dans lequel il donnait un regard sur la Bd numérique (La Bd numérique vue par Geek magazine ).
De son côté, Sébastien Naeco du Comptoir de la bd voit l’année 2010 comme celle d’une possible explosion de la Bd numérique et recommande aux acteurs français d’en profiter avant que les Etats-Unis et le Japon ne soit trop en avance (billet du 5 janvier 2010, http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/2010/01/05/bd-numerique-les-bonnes-resolutions-pour-2010/ ). Il nous avait déjà offert un tour d’horizon des technologies numériques permettant de lire la BD, pointant notamment du doigt le rôle joué par les firmes de jeux vidéos et par les dérivés des e-book (billet du 16 décembre 2009 Sur quoi lire une bd numérique).
Tous deux ont applaudi les innovations apportées respectivement par Balak, Moon et Tony, exemples encore peu nombreux mais néanmoins réels d’une expérimentation francophone en matière de Bd numérique.
Un point reste encore en suspens : la motivation des auteurs. Dans cette interview donnée à Sébastien Néaco (Yannick Lejeune du Festiblog à Delcourt ), Yannick Lejeune demande une création spontanée qu’on ne cherche pas d’emblée à canaliser mais que l’on laisse se développer : « La création a toujours été spontanée et chaotique. A ma connaissance, les plus grandes innovations artistiques viennent avant tout d’auteurs qui se sont placés en rupture, hors de tout cadre. Dans la BD, c’est arrivé très souvent : ne serait-ce qu’avec les indés et leurs nouveaux formats, tous ces gens n’ont pas attendu qu’on leur donne un référentiel pour tenter de nouvelles choses et prendre des risques. Du fait même de l’évolution très rapide des idées créatives et des supports, la BD numérique sera un modèle en constante évolution, en tout cas dans les mois à venir. Il sera donc difficile de la contenir et de la baliser : vive le bordel ! ». Selon lui, l’initiative doit d’abord venir des auteurs, non des structures d’éditions et de diffusion. Je vous laisse lire, sur cette même site, la déclaration d’un auteur de Bd, Joseph Behé sur son attitude face à la Bd numérique : ( Bd numérique, l’avis d’un auteur, Joseph Behé ).

En guise de conclusion l’observateur occasionnel et assez ignorant en matière de nouvelles technologies (et donc enthousiaste) que je suis isole trois faits qui me semblent montrer que 2009 a préparé l’arrivée de la Bd numérique qui pourrait bien jouer un rôle de plus en plus important en 2010 :
La multiplication des acteurs impliqués dans la bd numérique, en particulier des éditeurs, des hébergeurs et des fournisseurs de service (même si cette multiplication n’est pas obligatoirement une bonne chose, elle assure l’existence de structures de base qui ne demandent qu’à évoluer).
Le lancement de Bludzee à l’automne 2009 qui marque une étape dans le diffusion de bd via des supports numériques mobiles et donc l’ouverture d’un nouveau marché auprès d’un plus vaste public.
Et bien sûr, la multiplication des réflexions sur la toile autour de la Bd numérique qui peut, je l’espère inspirer des éditeurs et des auteurs. Ceux-ci se tournent d’ailleurs vers internet, soit en proposant des preview, soit en vendant des albums au téléchargement. N’oublions pas que Delcourt compte désormais dans ses rangs Yannick Lejeune, organisateur du festiblog et passionné de bd numérique, pour développer des projets autour de ce nouveau secteur.

Il me semble que le chemin vers une meilleure connaissance par le public de la Bd numérique ne peut être qu’extrêmement progressif et passe par une affirmation en continu que la Bd peut aussi se lire sur internet. De ce point de vue là, le mouvement des blogs bd a initié un élan qui pourrait aboutir à une prise de conscience du public. D’autre part, ce qui me paraît intéressant c’est qu’on assiste, en direct, à l’évolution d’un art : la Bd, dans sa composante numérique, montre qu’elle sait s’adapter à la nouveauté qu’est internet. Un art a du sens lorsqu’il prouve sa capacité d’évolution et qu’il est encore capable d’offrir des oeuvres complétement inédites, impensables quelques années auparavant, tant pour des raisons d’évolution esthétique que de savoir-faire technique. La question qui se pose encore en ce début de 2010 est qu’il n’y a pas eu de véritables rencontres entre les acteurs « structurels » (éditeurs, hebergeurs) qui ont déjà commencé à créer un marché en se servant de vieilles licences et des auteurs exploitant le numérique pour ses potentialités esthétiques ; il est vrai que sur ce dernier point, la bd numérique en est encore à ses balbutiements.