Ayant découvert Vincent Sorel par sa participation au feuilleton-bd Les autres gens, j’ai voulu en savoir un peu plus sur ce jeune dessinateur. Il tient un blog depuis 2007 et a publié l’année dernière son premier album, L’ours, aux éditions de l’an 2. Courte présentation pour faire d’un auteur élégant et débutant, découvert grâce aux méandres de l’édition numérique.
Parcours d’illustrateur
Vincent Sorel se forme au graphisme et à l’illustration dans l’atelier d’illustration des Arts Déco de Strasbourg d’où sont sortis tant de dessinateurs de bande dessinée (Joseph Béhé, Marjane Satrapi, Mathieu Sapin, Lisa Mandel, Pierre Duba, Blutch, Boulet…). Il en sort en 2008 et commence alors une carrière d’illustrateur, entre premiers boulots et permières expositions. Ce qui ne l’empêche pas de s’intéresser au volet narratif du dessin et de se consacrer à la bande dessinée. Ses premières réalisations se font dans l’univers du fanzinat : il participe à plusieurs reprises au fanzine Ecarquillettes à partir de 2008 (http://www.troglodyte.eu/ecarquillettes/).
Dans le même temps, il parvient à faire éditer l’un de ses projets, L’ours, aux éditions Actes Sud-l’an 2, qui sort en 2009. Un bon premier album qui commence comme une fable absurde. Un ours tue un bucheron et prend pendant cinq jours sa place dans le petit village dans la vallée. Par un étrange tour de passe-passe, l’ours devient alors le révélateur du reste des habitants, de leurs problèmes, de leurs secrets et de leurs désirs.
Webzine et bédénovela
Mais comme on pourrait s’y attendre, Vincent Sorel utilise également Internet et l’édition numérique naissante pour se faire connaître. Assez peu, finalement, à travers son blog (le blog actuel, « Oisiveté mon amie », a été ouvert en 2007) qui remplit ses fonctions premières : carnet de croquis et d’essais, présentation des projets en cours, coups de coeur… On ne trouvera donc pas de webcomic, de publications en ligne ou « d’anecdotes du quotidien ».
En revanche, Vincent Sorel se lie avec deux projets numériques. Il participe d’abord, et ce dès 2007, au webzine numo.fr : un webzine réalisé par le collectif d’illustrateurs Troglodyte, les mêmes qui sont à l’origine d’Ecarquillettes. Numo.fr est un webzine en général trimestriel où l’on peut retrouver, autour d’un thème et par une interface en flash plutôt originale, les travaux de plusieurs jeunes auteurs (http://www.numo.fr/lamort/). Surtout, il fait activement partie de l’aventure des Autres gens, la BD-feuilleton lancée en mars dernier et qui a fait beaucoup parlé d’elle sur Internet et ailleurs (et ici aussi, dans cet article). Là aussi, il s’agit d’une oeuvre collective. Sorel en a déjà dessiné 6 épisodes en deux mois, dont le second. Il y expérimente une technique aux crayons de couleurs assez saisissante qui rappelle quelques uns de ses travaux d’illustration réalisés en Espagne (http://parenthese.espagnole.over-blog.com/).
Trait et couleurs
Quoique débutant dans l’illustration, Vincent Sorel possède un style. On voit grâce à son blog qu’il aime encore expérimenter et livrer de petits essais graphiques en noir et blanc et en couleurs. Mais Sorel s’est déjà trouvé un goût pour la sobriété du trait qui dirige le dessin et que je ne peux pas m’empêcher de rapprocher de certains dessinateurs de presse américains des années 1950. La référence à l’école du New Yorker faite sur le site des éditions de l’an 2 me paraît assez juste, pas forcément sur L’ours, mais sur certaines de ses illustrations. Un trait précis et élégant avec très peu de modelés qui stylise les silhouettes et se base sur la clarté formelle. Il se concentre beaucoup sur le traitement et la singularisation des visages, et fait parfois preuve d’un certain humour absurde qui, là aussi trouve des échos dans le dessin de presse. Dans L’ours, la beauté visuelle de ce style n’est pas encore pleinement exploitée, mais je trouve que l’alliance du trait et de la couleur dans ses épisodes pour Les autres gens est une vraie réussite. Voir par exemple sur son blog ces variations sur le film Adèle Blanc-sec, comme des impressions sortant directement de l’écran ou encore quelques études pour des silhouettes colorées à la lumière d’une fête.
Revenons à L’ours quelques instants, puisque c’est son premier album et sa première grande oeuvre « solo » que vous êtes susceptible de trouver en librairie. On est davantage dans l’exercice de style que dans l’oeuvre complexe et intense mais tout cela reste intéressant. L’intrigue, vous la connaissez : Sorel prend le pretexte de l’irruption d’un ours grimée en humaine dans un petit village pour développer une comédie humaine où différents portraits se croisent, se heurtent, s’insultent, s’aiment. Tout converge vers la sobriété et le refus des effets spectaculaires : la narration, essentiellement composée de dialogues et de courtes saynètes avec un net découpage chronologique en cinq chapitres/jours, et le traitement graphique, comme décrit plus haut avec quelques ombres aquarellées en noir et blanc. L’ambiance se veut vaguement médiévale mais au fond, ce n’est qu’un décor, les réactions des personnages étant au contraire assez actuelles. On devine une tentative de pointer du doigt les petites et grandes hypocrises de la société humaine. Mais bien plus croustillant, à mes yeux, est l’humour absurde jusque dans l’idée même de ce ours mutique qui se fait passer pour un homme et honore une à une les femmes du village avec une innocence toute animale.
Pour en savoir plus :
Le blog de Vincent Sorel : http://oisivete-mon-amie.over-blog.com/
Le book de Vincent Sorel : http://vincentsorel.ultra-book.com/
L’ours, Editions de l’an 2, 2009 et un article d’actuabd : http://www.actuabd.com/L-Ours-Par-Vincent-Sorel-Actes-Sud
Le fanzine Ecarquillettes : http://www.troglodyte.eu/ecarquillettes/
Le site du collectif Troglodyte : http://troglodyte.eu/
« Quoique débutant dans l’illustration, Vincent Sorel possède un style ».
Quand on sort d’illus à Strasbourg, est-on encore un débutant ? Un débutant façon New-Yorker… mazette 😉