Chers et fidèles lecteurs, bonne année à tous (et la santé, c’est important, la santé).
Pour commencer l’année 2011 avec retard, mais non sans éclat, un article sur les derniers soubresauts de la bande dessinée numérique. Une manière d’observatoire personnel qui fait suite à plusieurs autres articles sur le même sujet l’année passée : (Auto-)initiation à la bande dessinée numérique en janvier ; Notes pour une histoire de la bande dessinée numérique en février ; Bouquet de bande dessinée en ligne en mars ; Projets d’éditeurs dans la bande dessinée en ligne en mai ; Etat des lieux de l’édition numérique en novembre . (heureusement pour vous, il n’est pas nécessaire d’avoir lu tous ces longs et fastidieux articles avant d’attaquer celui-ci ! Mais malgré cela, je vais honteusement me servir de ce premier article de l’année pour vous suggérer de relire d’anciens articles de 2010.).
L’année 2010 était annoncée, il y a tout juste un an, comme celle du boum de la bande dessinée numérique. Le pari a en partie réussi. Mais au lieu de simplement constater le décollage d’un marché (que d’autres ont mieux analysé que moi), il me semble bien plus intéressant d’en étudier les marges : en d’autres termes, les phénomènes nouveaux qui font que l’apparition de la bande dessinée numérique est susceptible de modifier les rapports de force de l’édition de bande dessinée dans son ensemble.
L’importance prise par les initiatives d’auteur est peut-être l’un des faits les plus marquants en ce qu’il repose la question du rôle de l’éditeur ; non pas pour prétendre que l’éditeur est inutile, mais pour affirmer que le passage au numérique est propre à bouleverser les rapports auteur/éditeur, et que le métier d’éditeur est amené à changer, à s’interroger, à se trouver une place dans un univers de réseaux où l’auteur peut toucher directement son lectorat, ou contourner l’éditeur en passant par des structures moins denses comme des plates-formes de diffusion.
Les droits d’exploitation numérique, éternelle pomme de discorde ?
L’idée de cet article commence hors du seul domaine de la bande dessinée, puisqu’il vient de la littérature. Rien de plus normal : la bande dessinée s’intègre à l’économie plus générale du livre et les problèmes que rencontrent les auteurs de bande dessinée sont sensiblement les mêmes que ceux posés aux écrivains de la littérature non-graphique. Or, le 2 décembre (quand nous étions encore en 2010), cinq écrivains publient dans Le Monde une lettre ouverte aux éditeurs qui, non sans humour, met dans la balance la relation auteur/éditeur. Preuve en abyme de la puissance d’Internet, je prends connaissance de cette tribune par un article de l’excellent blog de Julien Falgas, Marre de la TV, qui lui-même renvoie au non moins excellent blog La feuille du Monde.fr (on se rapproche de la source initiale !) qui met en lien la lettre en question telle que publiée sur LeMonde.fr. Revenant dessus plus d’un mois après, j’ai suivi les suites de l’affaire en feuilletant virtuellement les pages du site Actualitté qui, plus récemment, publie, outre une tribune d’une éditrice qui souligne l’existence de petits éditeurs numériques qui construisent, de leur côté et en silence, des solutions (j’y reviendrais), un article présentant les débats qui se tiennent actuellement à l’Assemblée Nationale pour modifier la législation sur les contrats d’édition (il est question ici du Code de la propriété intellectuelle). Ce parcours rapide à la recherche de l’information, qui est le mien et que je vous relate, suffit peut-être à démontrer comment Internet en tant que réseau (et je fais de ce blog un nouveau maillon de la chaîne) donne à une simple lettre ouverte, publiée originellement dans la presse papier, une ampleur impressionnante, et donne de ce fait aux réclamations des auteurs une portée qu’elles n’auraient pas eu autrement.
Reprenons depuis le début de mon périple informationnel. Il y a donc cette lettre ouverte qui exprime les inquiétudes des auteurs (qui produisent des oeuvres) face à l’attitude des éditeurs (qui mettent en forme ces oeuvres pour les rendre accessibles au lecteur) ; non dans une logique d’affrontement, mais au contraire dans une logique d’alliance (les éditeurs devraient discuter avec les auteurs au lieu de préparer dans leur coin leur passage au numérique, au risque de perdre la confiance de leurs auteurs). Nous sommes début décembre. A la fin du mois, la question a atteint les bancs de l’Assemblée, comme l’explique Actualitté.
Par la bouche du député socialiste Albert Falcon, le Syndicat national des auteurs-compositeurs demande explicitement : « une mise à jour indispensable de la loi afin de redéfinir le rôle et la fonction de l’éditeur » (sous-entendu : face à l’arrivée d’un nouveau marché numérique sur lequel il est impossible de plaquer sans les modifier les principes du marché papier). Que les auteurs en appellent à l’Etat, qu’ils soient entendus à l’Assemblée, montre que l’arrivée de l’économie numérique a tendu la situation auteur/éditeur à un point tel que les changements ne peuvent plus intervenir qu’au niveau législatif, au plus haut échelon de l’organisation de la société. L’adoption de la loi Hadopi 2 en 2009 et les nombreux débats qui l’ont entourée avait déjà autorisé le même type de conclusions : Internet et le numérique viennent reposer et redéfinir la propriété intellectuelle et les droits d’auteur et d’exploitation, interrogeant des règles établies, pour certaines, depuis plusieurs siècles. Précisons par exemple que la loi DADVSI, adoptée en 2006, a déjà modifié le Code du Patrimoine pour intégrer les oeuvres numériques et les soumettre, entre autre chose, au dépôt légal (elles intégrent ainsi le patrimoine commun de la nation). Les évolutions induites par les lois DADVSI et Hadopi 2 répondaient encore à un ajustement de missions traditionnelles de l’Etat, remontant au moins au XVIIIe siècle : gestion du patrimoine culturel de la nation et protection des droits d’auteur. Dans le cas qui nous occupe, les auteurs souhaiteraient que l’Etat intervienne dans les règles qui organisent les contrats d’édition (la dernière loi importante en la matière date de 1957). Il n’est pas forcément évident que la loi ait à intervenir dans les rapports auteurs/éditeurs ; c’est du moins ce qu’a répondu le législateur qui, toujours selon Actualitté, estime que c’est d’abord aux pratiques contractuelles d’évoluer en appliquant les règles immuables du Code de la propriété intellectuelle. Aucune loi n’est donc prévu (alors même que l’Etat est déjà intervenu dans l’économique numérique de l’écrit, notamment par la loi sur le prix unique du livre numérique). Que ce soit avec ou sans l’arbitrage de l’Etat, auteurs et éditeurs vont devoir s’entendre.
Et la bande dessinée ? C’était dès le printemps 2010 que le Groupement des auteurs de bande dessinée s’était inquiété de l’évolution des droits d’exploitation numérique (ce que je présentais dans un article de mars 2010). Car c’est bien là que se trouve l’enjeu : dans ces « droits d’exploitation numériques », c’est-à-dire la manière dont est gérée commercialement, la diffusion en ligne d’albums numérisés. Des questions concrètes et nouvelles sont apparues. Quel pourcentage du prix de vente revient à l’auteur dans le cas d’une édition numérique ? Les droits d’exploitation appartiennent-ils à l’éditeur ou à l’auteur ? Concrètement, le GABD affiche principalement deux revendications : reconsidérer la répartition des recettes dans le mesure où, par l’édition numérique, l’éditeur se passe ou gère en interne une grande partie des charges (impression, diffusion) ; limiter dans le temps la cession des droits numériques pour que l’auteur puisse, au bout de cinq ou dix ans, gérer lui-même la diffusion de son album en ligne. Pour l’instant, les éditeurs refusent de céder du terrain et les auteurs dénoncent des contrats d’édition où ont leur impose une cession des droits numériques sur une très longue durée, ou un pourcentage encore plus faible que dans l’édition papier. Il va de soi que ces enjeux sont facilement transposables à l’édition traditionnelle.
Les auteurs s’engouffrent doucement dans la création originale en ligne
Il est apparu au terme de l’année 2010 que la question des droits numériques a permis de fédérer une profession qui avait la réputation d’être individualiste et peu encline à se regrouper dans des structures syndicales. Pour mémoire, et parce que le sujet m’intéresse, je préciserais que la première organisation d’un syndicat d’auteur de bande dessinée (le Syndicat des Dessinateurs de Journaux pour Enfants en 1946) avait été là aussi motivé par la perception d’une menace : la stabilité de la profession était mise à mal par l’arrivée massive de bandes dessinées étrangères. C’est bien sûr face au danger que l’on rassemble. Le GABD n’a pas été créé (en 2007) pour résoudre spécifiquement le problème des droits numériques mais la question, une fois soulevée il y a maintenant deux ans, a permis de lui donner un combat précis et nécessaire, avec derrière l’idée de développer de nouvelles relations auteurs/éditeurs. Soyons toutefois exacts : rien n’indique que l’ensemble des dessinateurs de bande dessinée soutienne le GABD et ses revendications. Et il existe une autre association professionnelle d’auteurs, l’ADBD (associative et non syndicale). Mais, à ma connaissance, aucune voix discordante ne s’est fait entendre sur le sujet des droits numériques.
Et puis le GABD provoque chez ses membres des initiatives intéressantes, justement comme une manière de réponse au refus des éditeurs de trouver un arrangement. Les contrats numériques proposés par les éditeurs sont actuellement insatisfaisants : quel meilleur moyen, pour les contourner, de créer leur propre plate-forme de diffusion directe auprès des lecteurs ? Après tout, avec Iznéo, les éditeurs ont eux aussi tenté d’éviter l’intermédiaire des diffuseurs. A l’origine se trouve Fabien Vehlmann, membre fondateur du GABD et rédacteur sur son blog, il y a quelques mois, d’un billet alarmant sur la précarisation des dessinateurs de BD. Il prend soit de préciser, lorsque la question lui est posée, que 8comix, la plate-forme de diffusion qui sera lancée le 17 janvier 2011, est une initiative indépendante du syndicat, même si l’on remarque assez vite que parmi les huit fondateurs du site se trouvent trois des fondateurs du GABD : Fabien Vehlmann lui-même, Cyril Pedrosa et David Chauvel. Vehlmann précise également que tous les membres du syndicat n’approuvent pas entièrement l’idée en raison de la gratuité. (son blog : http://vehlmann.blogspot.com/). Car l’idée de 8comix est la suivante : mettre en ligne des récits inédits consultables gratuitement. Elle n’est fondamentalement pas innovante : cela fait bien longtemps que les internautes peuvent lire gratuitement de la bande dessinée en ligne. Le changement vient de l’appropriation d’Internet comme espace de publication à long terme par des dessinateurs professionnels : la plupart des dessinateurs de bandes dessinées numériques gratuites étant plutôt des amateurs ou des dessinateurs débutants (exception faite de Lewis Trondheim et des Autres gens). Pour Vehlmann, 8comix pourra servir à faire découvrir un utilisé pour la prépublication ou la publication simultanée d’un album papier. Le choix appartient à chaque auteur qui participe à l’aventure : Vehlmann a choisi pour L’île aux milles morts la publication simultanée, en accord avec son éditeur Glénat : « En ce qui me concerne, j’ai ainsi signé un contrat « classique » avec Franck Marguin, chez Glénat, qui a de son côté accepté le principe d’une mise en ligne gratuite et permanente de l’album sur 8comix. Nous nous sommes simplement mis d’accord pour que la mise en ligne se fasse par épisode, et que l’album « papier » sorte presque au début de cette web-publication, et non après. ». Deux spécificités courantes de l’édition numérique sont ici employées en complémentarité de l’album papier pour offrir une autre expérience de lecture : la publication par épisodes et la gratuité.
On devine derrière le pari que fait 8comix avec la gratuité : c’est espérer que la consultation en ligne grauite (et légale) ait un impact sur la vente des albums des auteurs concernés. Tel que Vehlmann présente son projet, il ne s’agit pas à proprement parler de concurrencer les éditeurs mais plutôt d’offrir un espace de diffusion complémentaire, peut-être aussi plus libre, pour les auteurs : ils pourront y développer des projets personnels de BD numérique. Et même si le syndicat n’est pas directement à l’origine de 8comix, on devine aussi que les débats soulevés en son sein, et la résistance des auteurs face aux éditeurs ont encouragé sa naissance.
Alors bien sûr, mes plus fidèles lecteurs penseront de suite à une autre initiative d’auteur qui, elle, contourne franchement l’éditeur : la bédénovela Les autres gens. Au contraire de 8comix qui va se mettre en place au cours du mois de janvier, le projet Les autres gens lancé au printemps 2010 est payant, par un système d’abonnement. Résumé pour ceux qui ne seraient pas au courant (et n’auraient pas lu mes deux articles précédents sur le sujet : Les autres gens et le retour du feuilleton et Bilan de lecture) : Les autres gens est un feuilleton-BD paraissant au rythme d’un épisode par jour, chaque épisode étant dessiné par un dessinateur différent (ils sont à présent une quarantaine à tourner, certains plus présents que d’autres), mais toujours scénarisé par l’infatigable Thomas Cadène. Où en sont-ils, justement ?
Je passe rapidement sur mes impressions personnelles : après un été très intéressant (histoires parallèles, semaine spéciale pour un dessinateur, climax de l’intrigue…), la rentrée automnale m’avait paru un peu morne, les intrigues nouées au départ n’en finissant pas de se dénouer. Mais les mois de novembre et décembre on doucement permis un sympathique renouveau. Outre quelques rebondissements scénaristiques, avec l’apparition de nouveaux personnages, il y eut quelques autres bonnes surprises, comme la participation du dessinateur Rochette (un ancien de L’Echo des savanes et d’(A Suivre) le temps d’un épisode. Plus généralement, l’équipe de dessinateurs ne cesse de se renouveler tandis que des « anciens » présents dès les débuts, au trait joliment travaillé (Vincent Sorel, Alexandre Franc, Aseyn, Joseph Falzon, Sacha Goerg, Erwann Surcouf), profite de l’expérience pour varier un peu leur style le temps d’un épisode. A ce petit jeu, c’est encore Vincent Sorel que je ne cesse de remarquer.
Ce qui m’intéresse aussi, avec Les autres gens, ce sont les innovations scénaristiques, moteur du feuilleton. Elles ont été nombreuses ces deux derniers mois. En novembre, une semaine entière a été centrée autour du personnage d’Emmanuel, timide étudiant en droit qui découvre les joies et les aléas du sexe libre à New York ; scénarisée par Stéphane Melchior-Durand et dessinée par Benjamin Bachelier. Une sorte de récit parallèle bien adapté au concept initial de la série : suivre « d’autres gens » comme on tisse un réseau de destins parallèles. Le changement de scénario apporte de l’air à la série, un peu de nouveauté par un regard autre posé sur le petit monde imaginé par Thomas Cadène. En décembre, il a laissé la main à deux reprises : une semaine à Wandrille, co-fondateur des éditions Warum et impliqué dans la bande dessinée en ligne par le projet Donjon Pirate et le concours Révélation blog ; quant à la semaine de Noël, elle a été l’occasion d’une construction narrative complètement différente : chaque jour, un nouvel auteur scénarisait et dessinait une histoire indépendante racontant un Noël d’un des personnages. J’ai particulièrement apprécié le Noël 2005 de la rousse Camille par le nom moins roux Boulet, pour sa gestion des couleurs assez fantastiques ; quant au Noël 1980 d’Henri, en pleine crise existentielle communiste, est une merveille d’humour habile et mordant par Pochep. C’est aussi ce que j’apprécie dans le projet Les autres gens : il y a toujours de la place, derrière le scénario de Thomas Cadène, pour que les autres participants s’approprient les personnages, quitte parfois à les déformer et les moquer à leur sauce.
Et pendant ce temps-là, chez les éditeurs numériques…
Enfin, retour au début de l’article, quand j’évoquais la situation des écrivains. En réponse à leur tribune du Monde est paru dans Actualitté une autre tribune par la responsable d’une maison d’édition en ligne, et son propos souligne une situation qui est vrai aussi dans la bande dessinée. L’article est justement intitulé Remettre les éditeurs numériques au coeur du débat sur le livre numérique.
Anne-Laure Radas (éditions Chemin de Tr@verse) rappelle que le débat entre auteur et éditeur est un débat de l’édition papier, et qu’il soit repris dans la presse montre que le modèle dominant reste dans l’esprit de tous le modèle papier. Plutôt que de parler des angoisses liés à l’arrivée du numérique, pourquoi ne pas rappeler qu’il existe de nombreux éditeurs purement numériques qui ont depuis longtemps dépassé ces préoccupations ? Eux ne se sont pas arrêtés à la question du modèle économique et poussent aussi leur recherche du côté des nouvelles expériences de lecture induites par le livre numérique. Ainsi dit-elle : « Quand les réflexions des éditeurs papier sont centrées sur… le papier, celles des éditeurs numériques sont centrées sur le livre. C’est un changement total de perspective ! (…) Penser aujourd’hui le livre numérique en s’appuyant uniquement sur la vision qu’en a l’industrie du livre papier serait de même un non-sens. » Cette phrase éclaire sans doute que nous sommes en présence de deux univers peu perméables : le monde du papier (éditeurs et auteurs) qui voit d’abord dans le numérique les dangers qu’il entraîne et le monde du numérique qui en voit les opportunités. Les deux visions sont complémentaires, mais force est de constater que c’est la première qui est la plus visible et qui organise encore les politiques et les débats en la matière.
Ce qui m’amène à une transposition du côté de la bande dessinée (je connais trop peu l’édition littéraire pour m’avancer à des hypothèses). Il existe, au-delà des querelles entre auteurs et éditeurs papier, de nombreux éditeurs ou diffuseurs numériques (Manolosanctis, le portail Lapin, Foolstrip…). On voit chez eux peu d’auteurs ayant déjà une longue carrière dans l’édition papier : petites et jeunes structures, elles éditent surtout de jeunes auteurs débutants qui, pour la plupart, se sont faits connaître via un blog ou un webcomic sur Internet. Mais après tout, ces maisons d’éditions numériques existent et leur modèle économique est bien souvent mieux adapté à l’économie numérique que ce que proposent les éditeurs papiers. La démarche des auteurs du GABD est tout à fait légitime mais reste profondément ancrée dans le modèle papier, comme si le numérique était surtout un danger et non une opportunité. Certes, on m’objectera avec raison que 1. ce modèle est encore dominant et que 2. le débat entre auteurs et éditeurs sus-cité porte plus précisément sur les droits d’exploitation numérique d’albums papier et non sur l’édition numérique pure… Mais justement : si, au lieu de parler de la numérisation d’albums déjà existant, on s’intéressait à la création numérique inédite ? Le projet 8comix (dont il reste encore à attendre le lancement) semble osciller entre les deux attitudes : à la fois portail de prépublication et espace de publication inédit.
En ce sens, Les autres gens est comme une passerelle entre deux mondes, qui laisse espérer que les frontières ne sont pas si étanches et que les auteurs papier finiront par investir activement la création numérique (tout en respectant les acquis des courageux pionniers dans le domaine, dont on ne parle que trop peu). Celui qui en est à l’origine, Thomas Cadène, a déjà une solide carrière dans l’édition papier et a pourtant su intégrer les spécificités du numérique dans la diffusion de sa série. Parmi l’équipe d’auteurs se mêlent de jeunes auteurs, dont beaucoup ont, là encore, acquis un public sur Internet avant de publier (voire n’ont jamais publié ailleurs que sur Internet) et des auteurs plus installés. Il me semble d’ailleurs que certains d’entre eux, comme Boulet ou Bastien Vivès, se situent juste à la limite : ils étaient déjà très présents dans l’édition papier quand ils ont fait le choix d’investir aussi Internet et d’y trouver un public peut-etre différent que celui qu’ils avaient fédéré jusque là.
Je terminerai donc sur une question rhétorique qui n’amène pas forcément de réponse immédiate: quand les auteurs papier, mécontents de l’attitude de leurs éditeurs, viendront-ils se joindre aux jeunes structures d’édition numérique déjà existantes ? 8Comix est-il une préfiguration de cette situation où édition numérique (inédite, et non homothétique) et édition papier seront sur un pied d’égalité et qu’on admettra enfin qu’un livre est bien autre chose qu’une suite de mots imprimés sur des pages, mais une oeuvre, même si son support est immatériel ? A voir le 17 janvier, jour de lancement du site.
En matière d’initiatives d’auteurs, il y a aussi celles qui se développent dans les écoles d’art.
Je me permets de signaler que j’anime depuis quelques mois (avec Finzo, un prof d’illustration) un cours de narration visuelle pour lecture à l’écran à l’Ecole sup des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Nous allons tout mettre en œuvre pour publier ces narrations avant l’été.
Il s’agit naturellement de narrations visuelles qui seront impossible à imprimer sur papier.
P.S. pour l’anecdote et toujours pour faire suite à votre article, il se trouve que je suis également membre fondateur du GABD!
Très juste : une initiative que j’avais oublié mais qui compte aussi beaucoup dans la formation des futurs dessinateurs aux techniques numériques.
Et selon quelles modalités seront publiés les premiers travaux ?
Mr Petch
Nous sommes en pleine réflexion sur le sujet.
Nul doute que nous trouverons les canaux appropriés pour vous tenir informés et permettre un large accès à ces travaux.